Qui a tué Ghislaine Leclerc? Depuis treize ans, ses filles attendent la vérité

Tribunal à Chalon-sur-Saône (image d'illustration) - Street View
Voilà treize ans que la mort de Ghislaine Leclerc reste un mystère. Cette mère de trois filles, âgée de 57 ans, a été retrouvée morte à son domicile de Volesvres (Saône-et-Loire). Elle a été abattue de quatre balles dans la nuit du 26 au 27 août 2010.
C'est sa fille, Emeline, la benjamine de la fratrie, qui découvre avec stupeur le corps de sa mère couchée sur le sol de sa chambre, le lendemain. Inquiète de ne pas la voir arriver chez son père pour un déjeuner qui était organisé, elle avait décidé de se rendre chez elle pour s'assurer que tout se passait bien. C'est là qu'elle a été retrouvée dans une mare de sang alors qu'elle était encore en pyjama.
L'assassin connaissait la victime
Une enquête est rapidement ouverte et ce qui apparaît comme une évidence aux yeux des enquêteurs, c'est qu'il ne s'agit pas d'un cambriolage qui aurait mal tourné, car aucune trace d'effraction n'est relevée. Pour eux, la victime connaissait le meurtrier.
La scène de crime révèle également que les faits se sont déroulés de manière très calculée et aucun signe de précipitation n'a été remarqué. Pour eux, il s'agit d'un assassinat, car l'assaillant est venu avec l'idée très précise de tuer Ghislaine Leclerc.
Les gendarmes s'intéressent alors à la dernière personne à l'avoir vu vivante. Il s'agit de Sylvain Schrutt, le compagnon de Céline, la fille aînée de la victime. Juste avant le drame, il se trouvait chez Estelle, la soeur cadette de la fratrie, avec qui les relations sont tendues. Ce jour-là, une dispute avait éclaté entre Emeline et son beau-frère et l'homme avait décidé de rentrer chez lui.
Sur la route, Sylvain Schrutt a eu un accident de voiture et n'a donc plus de voiture et demande alors à sa belle-mère si elle peut lui prêter un véhicule. Ghislaine Leclerc et son gendre passent donc la soirée ensemble et c'est la dernière fois qu'elle sera vue vivante.
Un comportement étrange
L'enquête piétine et le juge d'instruction décide de convoquer les parties civiles pour leur demander de l'aide. Il veut savoir si Céline, Estelle et Emeline n'ont pas une idée de la personne qui aurait pu en vouloir à leur mère. Face à la demande du juge, Estelle a un déclic et se demande si son beau-frère ne pourrait pas être le coupable.
Elle repense à sa réaction le jour de la mort de sa mère quand toute la famille s'est retrouvée au domicile de la victime. L'homme lui avait dit qu'il ne pouvait pas venir, car il avait "trop mal au ventre". Son attitude lors des obsèques avait également soulevé des questions quand il a dit à la fratrie: "Enfin, on se retrouve en famille".
L'enquête s'oriente donc de manière plus intensive sur Sylvain Schrutt et les enquêteurs découvrent que, la nuit du meurtre, son téléphone a borné non-loin du domicile de la victime alors qu'il disait être retourné chez lui, en Alsace. Il est alors interpellé et placé en garde à vue dans la foulée.
Mis face à ces éléments à charge contre lui, il avoue s'être rendu chez sa belle-mère la veille de son meurtre. Il explique qu'en se rendant chez elle, il a vu que la porte d'entrée était ouverte, qu'il est entré et est tombé sur son corps. Il raconte qu'ensuite, il sentait la présence du meurtrier et qu'il a pris peur et s'est enfui.
Mais le juge d'instruction lui demande pourquoi il n'a pas appelé les gendarmes? Pourquoi il n'a pas appelé les secours pour tenter de la réanimer? Pourquoi il a rassuré son épouse quand elle s'inquiètait de ne pas voir arriver sa mère au déjeuner le lendemain? Et surtout pourquoi avoir gardé le silence pendant 18 mois?
Une relation avec sa belle-soeur
Si pour les enquêteurs, Sylvain Schrutt a déjà tout du meurtrier, ils font une nouvelle découverte. Sur son téléphone portable, ils remarquent des centaines d'échanges avec sa petite belle-soeur, Emeline, âgée à l'époque de 16 ans. Pourtant, la jeune fille vit sous le même toit que le quadragénaire puisqu'elle a été confiée à sa soeur pour se rapprocher de son lycée.
Interrogée à ce sujet, Emeline explique qu'ils ont eu des relations sexuelles à la demande de son beau-frère. Pendant des mois, il lui a fait des cadeaux, lui écrivait des lettres d'amour lui avouant son attirance pour elle depuis qu'elle était toute petite, lui disant qu'ils étaient des âmes-soeurs et que s'ils couchaient ensemble, ça lui donnerait des "formes de femmes". Si Emeline a toujours dit "non", un jour, elle s'est laissé faire.
Confronté aux révélations de la jeune fille, Sylvain Schrutt n'a pas nié les faits et a même revendiqué son amour pour elle. De son point de vue, il ne voit pas le mal à aimer sa belle-soeur de 16 ans.
Les enquêteurs pensent que cette relation pouvait être le mobile de l'assassinat de Ghislaine Leclerc, car elle semblait être au courant. La veille, elle voulait parler à sa fille Emeline à ce sujet.
Acquitté
Sylvain Schrutt est donc mis en examen et placé en détention provisoire. Son procès s'ouvre en octobre 2014 devant les assises de Saône-et-Loire. Il est finalement reconnu coupable d'assassinat et condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Il décide finalement de faire appel et continue de clamer son innocence. Ses avocats mettent en avant le fait que son comportement est suspect, certes, mais qu'il n'y a aucune preuve matérielle contre lui. A l'issue de ce procès, Sylvain Schrutt est finalement acquitté au bénéfice du doute.
Pour les filles de Ghislaine Leclerc, c'est le choc. Elles qui pensaient avoir rendu justice à leur mère sont abasourdies. Mais ce qui les révoltent encore plus, c'est qu'elles apprennent que l'enquête est classée. Treize ans plus tard, le mystère reste donc encore entier.