Erreurs judiciaires: quelles indemnisations pour les condamnés à tort?

L'avocat Sylvain Cormier a créé le Programme Innocence France en 2013 - -
Patrick Dils, Marc Machin, ou encore Loïc Sécher ont été les victimes d'une erreur judiciaire. Du jour au lendemain, ces personnes voient leurs destins bouleversés, et pour certains brisés. Toutes ces années passées en prison ne peuvent leurs être rendues, alors comment la justice peut-elle les indemniser pour compenser ce temps injuste passé derrière les barreaux? Pour RMC Crime, l'avocat Sylvain Cormier, spécialiste de ces dossiers, explique les indemnisations possibles, mais aussi les limites de ces dédommagements.
L'avocat, habitué de affaires, souligne les limites posées par la loi pour les reconnaître comme des victimes d'erreurs judiciaires. Les personnes innocentées en appel ou en révision ne sont pas indemnisées pour l'erreur judiciaire, mais bien la détention qu'elles ont effectué à tort en prison.
Pour Me Sylvain Cormier, au delà des questions pécuniaires, le sujet de la reconnaissance est important et le cadre légal pas à la hauteur aujourd'hui: "Ces personnes ont besoin de recevoir des excuses, mais aussi de connaître les raisons pour lesquelles elles ont été condamnées à tort, mais ça n'existe pas. La justice a un mal de chien à admettre ses erreurs", juge-t-il.
Le dédommagement en monnaie sonnante et trébuchante prend en compte le nombre de jours passés derrière les barreaux. Alors que les personnes qui n'ont pas été emprisonnées ne touchent pas d'argent, si ce n'est un faible pourcentage de l'aide juridictionnelle (AJ).
Une attente très longue
En fonction du métier exercé, une compensation financière est possible pour la perte d'argent causée durant l'incarcération. Par ailleurs, le remboursement des frais d'avocats peut être demandé, mais seulement ce qui concerne l'emprisonnement, comme les visites en prison, ou les demandes de remise en liberté. Une fois toutes ces données prises en compte, les avocats fixent une somme avec leurs clients et ils déposent une requête devant la commission d'indemnisation. Souvent les montants délivrés finissent par être revus à la baisse.
L'attente est parfois longue pour obtenir une réponse, cela peut s'étaler sur plusieurs années. Les victimes d'erreurs judiciaires doivent donc s'armer de patience pour espérer un jour avoir cet argent.
Un préjudice financier peut être réclamé, mais aucun accompagnement psychologique n'est mis en place pour aider ces personnes victimes d'erreurs judiciaires: "Elles sont souvent sonnées après leur acquittement et souffrent de stress post-traumatique. La reconstruction peut necessiter plusieurs années", regrette l'avocat.
Une association pour aider les victimes
Même si ces personnes sont reconnues innocentes, elles peuvent être malgré tout confrontées au regard accusateur des autres. Ce poids est loin d'être facile à porter. C'est une souffrance morale supplémentaire qui s'ajoute aux autres.
Pour aider les victimes d'erreurs judiciaires, Me Sylvain Cormier décide de fonder en 2013 le Programme Innocence France, basé sur un modèle américain. Cette association regroupe des bénévoles, et leur mission est de lutter contre les erreurs judiciaires dans des affaires criminelles définitivement jugées en France.
Ils analysent les dossiers afin de trouver de nouveaux éléments qu'ils pourraient transmettre à la justice afin de jeter un doute sur la culpabilité du condamné. L'objectif final est d'obtenir l'ouverture d'une procédure en révision. Parfois, Me Sylvain Cormier rencontre des difficultés, notamment avec la mauvaise conservation des scellés, ce qui le ralentit dans le traitement de ces dossiers.
Pour ce ténor du barreau, il faudrait changer la loi. Selon lui, les victimes d'erreurs judiciaires devraient recevoir une véritable indemnisation du préjudice subi, mais aussi la prise en compte du traumatisme que cela a crée: "Il faudrait leur notifier officiellement que ces personnes ont été condamnées et enfermées à tort, qu'elles sont des victimes d'erreurs judiciaires."