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Autoportrait du dessinateur Zziigg

Zziigg

Dessinateur judiciaire: le “témoin sensible” d’un procès

Depuis une dizaine d’années, Zziigg exerce le métier de dessinateur judiciaire. Ses dessins servent à illustrer un procès, alors que les photos et vidéos sont interdites dans une cour de justice. Il explique son métier si particulier pour RMC Crime.

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Il est strictement interdit de prendre des photos et des vidéos dans une cour de justice en France. Le dessinateur judiciaire est donc le seul autorisé à produire des images de ce qu’il se passe dans l’enceinte d’un tribunal. Zziigg fait partie de la petite dizaine de dessinateurs judiciaires français, aussi appelés croqueurs d’audience.

Lui, aime dire qu’il est un “témoin sensible de la justice”. La sensibilité est l'une des qualités qu’il faut avoir pour exercer ce métier afin de s’imprégner des émotions qui se dégagent d’un procès.

“Je regarde et je ressens. J’ai pour habitude de ne pas interpréter ce que j’imagine, et de dessiner des criminels plus méchants que de nature”, explique-t-il pour RMC Crime.

Lui, travaille en freelance et n’est donc pas rattaché à un média. Pour être autorisé à dessiner dans une cour d’assises, il doit se faire accréditer auprès du tribunal, deux mois avant le procès. Une fois qu’il a obtenu son accréditation, Zziigg demande aux médias avec lesquels il a déjà travaillé si cela peut les intéresser de couvrir le procès en question. Si oui, il leur vend ses dessins.

Un rôle primordial pour transmettre les émotions

Avant de se rendre dans une cour d’assises, Zziigg avoue ne pas se renseigner sur l’affaire qu’il va couvrir. “Parfois, il y a des battages médiatiques auxquels je n’ai pas pu échapper, comme pour le procès de Nordahl Lelandais où on m’annonçait que j’allais assister au procès d’un monstre et j’ai vu un garçon tout à fait charmant d'apparence”. S’il ne s’intéresse pas à l’affaire qu’il va traiter, c’est pour une raison bien particulière:

“En découvrant l’histoire au moment du procès, mes sensations sont fraîches, je ne suis pas pollué par mes préjugés.”
Dessin de Zziigg lors du procès de Nordahl Lelandais
Dessin de Zziigg lors du procès de Nordahl Lelandais © Zziigg

Lors d’un procès, le dessinateur judiciaire fait entre trois et cinq croquis par jour. “Généralement, je dessine le, la ou les accusés dans le box en premier. Après, je peux dessiner les avocats, tout ce qui me semble opportun”. Son rôle est très respecté dans une salle d’audience, si bien qu’il a le droit d’avoir une place de choix: “Assez souvent, on est adossé au bureau du président, c’est-à-dire que les gens qui viennent témoigner sont quasiment face à nous. Ça nous permet d’avoir le meilleur angle pour dessiner”, explique-t-il.

Pour sélectionner les moments qu’il va capturer, il se fie aux émotions qui se dégagent d’une situation.

“C’est souvent des éclats, des altercations ou alors des témoignages émouvants que je n’attendais pas. J’ai quelques secondes, une petite minute, pour bien observer la scène en essayant de mémoriser les éléments forts, la gestuelle, et puis après, je fais mon dessin”.

Mais trouver sa place dans des procès aussi importants que ceux qu’ils couvrent lui a demandé plusieurs années d’expérience. “Pendant longtemps, j’étais impressionné par l’ambiance d’un procès d’assises”.

“Je ne peux plus dessiner parce que les larmes brouillent ma vue”

Zziigg a commencé à couvrir son premier procès en 2007. Il avoue être arrivé là un peu par hasard. C’est un de ses amis journaliste qui lui a proposé d’aller dessiner dans un tribunal. "Ça a été une véritable révélation. Je ne connaissais pas du tout ce qu’était une cour d’assises. Depuis, je n’ai pas lâché. Ça fait à peu près 90 procès que je couvre, et j’ai toujours le même plaisir, peut-être encore plus qu’au premier jour.” L’une des premières affaires qu’il a couverte était le procès de Pascal Jardin qui a tué de 126 coups de couteau la jeune Christelle Blétry.

Dessin de Zziigg lors du procès de Pascal Jardin
Dessin de Zziigg lors du procès de Pascal Jardin © Zziigg
"Ça a été une affaire très marquante. Le procès a duré une dizaine de jours donc j’ai vraiment eu le temps de m’immerger”, avoue-t-il, “mais de manière générale, je suis bouleversé par tous les procès que je vis. Très souvent, je pose mon crayon car je ne peux plus dessiner parce que j’ai les larmes qui brouillent ma vue”.

Pour refléter au mieux les émotions qui se jouent dans une cour d’assises, Zziigg s’imprègne le plus possible des histoires, et parfois, il arrive même à se mettre à la place des accusés: “J’ai été très marqué par l’affaire Daval. A de nombreuses reprises, je me suis dit que j’aurais pu faire la même chose”.

Avant d’exercer ce “métier-passion”, il travaillait dans la création d’images en tant que graphiste. Un métier qu’il n’a d’ailleurs pas totalement abandonné. “Le travail de dessinateur judiciaire ne remplit pas complètement le frigo, je continue donc mon activité de graphiste en parallèle”.

En effet, les revenus sont très variables dans cette profession. “Un dessin peut être vendu entre 100 et 400 euros”. L’artiste explique que c’est en fonction de l’importance du procès et du nombre de dessinateurs qui vont couvrir l’audience qu'un croquis va coûter plus cher. “Il faut savoir que la presse n’alloue pas beaucoup d’argent à cette activité donc globalement la situation d’un dessinateur judiciaire est une situation précaire”.

Pour découvrir le travail du dessinateur judiciaire Zziigg, retrouvez ses dessins sur son compte Instagram.

Alix Mancel