Nettoyeur de scènes de crime: les secrets d’une profession où il faut garder son sang-froid

Modélisation 3D d'une scène de crime d'exercice. - Département Signal, image, parole de l'IRCGN
Projections de sang et restes humains font partie du quotidien de Pascal Batton. Son métier consiste à s’occuper du nettoyage de scènes traumatiques pour des syndromes de Diogène (aussi appelé accumulateurs) ou sur un lieu après décès, qu'il soit d'origine criminelle ou pas du tout.
“Mon travail consiste à enlever tout ce qui peut faire penser qu’il y a eu du sang dans la pièce. Parce que l’idée, ce n’est pas juste d’enlever la trace matérielle, c’est aussi d’enlever la trace psychologique", nous explique Pascal Batton pour RMC Crime.
Lorsqu’il est appelé sur une scène de crime, le corps n’est déjà plus là. C’est la société des pompes funèbres qui s’occupe de récupérer la dépouille. Lui, arrive toujours en dernier pour nettoyer les “restes”. Sur les grosses opérations de nettoyage, il lui arrive d’asperger du produit du sol au plafond.
L'odeur, plus fort que tout
“Il faut savoir qu’un corps humain contient entre cinq et sept litres de sang, et si un fusil de chasse a été utilisé, ça peut faire beaucoup de dégâts. Pour donner une idée, une boîte crânienne peut retapisser un plafond et éclabousser sur quatre à cinq murs.”
C’est la raison pour laquelle, les nettoyeurs doivent se protéger avec une combinaison, des chaussures de sécurité, des gants et un masque à gaz. Pourtant, parfois, l’odeur est plus forte que tout “On a beau avoir des masques, l’odeur vous imprègne, vous colle, rentre dans vos narines et le lendemain vous sentez encore”, raconte Pascal.
Pour intervenir sur une scène de crime, il est généralement appelé par les forces de police ou le ministère de la Justice. Pour cela, il faut toujours attendre la fin du procès, pour que les scellés de la maison soient levés. A ce moment-là, la justice rend les clés aux familles en les autorisant à rentrer chez elles. “Depuis quelques scènes traumatisantes, la justice s’est dit qu’ils ne pouvaient pas laisser rentrer les proches chez eux, sans nettoyer et enlever certaines choses qui peuvent les choquer”, explique Pascal Batton. Mais pour les suicides, ce sont les familles elles-mêmes qui appellent la société de nettoyage, car elles se retrouvent avec tous les stigmates du drame chez elles.
“Je me suis dit que ça pouvait être l’aventure”
Ce qui a amené Pascal Batton à exercer cette profession, c’est une rencontre. Il s’agit d’une responsable des pompes funèbres qui lui a confié avoir dû faire des opérations de nettoyage après décès, alors que cela ne faisait pas partie de ses missions. La mairie l’aurait appelé, car ils ne trouvaient pas de société de nettoyage pour nettoyer le lieu du drame. L’idée a donc rapidement émergé dans la tête de Pascal qui s’est intéressé à ce marché.
Son métier n’a pas d’appellation exacte et n’est pas référencé par l’Insee. Il n’existe donc pas de parcours type pour exercer cette profession, puisqu’elle n’est pas réglementée. La seule formalité indispensable est une petite formation de trois jours pour apprendre à se servir des produits phytosanitaires.
Un métier où il faut avoir le coeur bien accroché
Si beaucoup peuvent se montrer réfractaires à cet emploi, lui n’a pas hésité. “Bizarrement, je n'ai pas eu du tout d'appréhension", confie-t-il. Pour recruter, le chef d’entreprise a du mal à trouver des personnes qui tiennent le coup. Car pour exercer ce métier, il faut tout de même avoir certaines qualités. “Il faut être un vrai couteau-suisse, et savoir s’adapter aux différents contextes qu’on peut rencontrer. Mais surtout, il est important d’avoir une capacité à encaisser”. Face à l’horreur, Pascal affirme que nous ne sommes pas tous égaux
“Certains vont pouvoir supporter un corps en décomposition, avec des restes, des bouts de dents, mais qui, en revanche, vont tourner de l’oeil lorsqu’ils vont ouvrir un frigo qui a moisi depuis trois mois”, explique-t-il.
Pour autant, il est arrivé à Pascal d’être traumatisé par une scène qui l’a empêché de dormir plusieurs nuits “Cette fois-là, j’ai très longtemps parlé avec la famille de la personne qui s’était suicidée au fusil de chasse. Je suis donc rentré dans une sphère intime et je n’ai pas réussi à m’en dégager. Il s’agissait d’une mère de famille qui laissait trois enfants derrière elle, et ayant des enfants, je me suis identifié.”
A la suite de ça Pascal a décidé de se protéger pour pouvoir continuer à travailler sereinement. “Ouvertement, je dis à mes clients qu’ils ne peuvent pas tout me dire, parce que je fais un métier difficile et il faut que je m’en préserve”.
Un secteur très peu sollicité
Ce n’est pas un métier où il y a beaucoup de demandes. Sur une année, Pascal doit intervenir sur une dizaine de scènes de crimes, et également quelques suicides “Aujourd’hui, on se suicide beaucoup aux médicaments, par noyade, on se jette d’un pont, et tout ça, ce sont des contextes qui sont exclus de notre périmètre. Donc, en réalité, il n’y a pas tant de boulot que ça”, explique-t-il. Même si le professionnel avoue que la crise du Covid-19 a fait exploser le taux de suicides,
“On a eu une série de suicides liés aux confinements, qui étaient révélateurs d’une situation inattendue”.
Faire appel à ses services a un coût “pour un suicide, on va être à 1500 euros au minimum”. Un agent de nettoyage de scènes traumatiques gagne en moyenne entre 1800 euros et 2000 euros net.
Mais si vous souhaitez vous lancer dans ce métier, Pascal conseille quand même de faire un stage pour se rendre compte de la réalité du terrain. “Il faut d’abord voir s’il peut supporter ça, parce que certaines scènes sont inimaginables. Une fois, j’ai eu quelqu’un qui a tenu 24 heures et qui avait pourtant un super profil”.
Retrouvez le documentaire Le nettoyeur sur la plateforme RMC BFM Play.