Expert psychologue judiciaire : un rôle essentiel pour juger une affaire criminelle

Bertrand Phesans, expert à la cour d'Appel de Paris - AFP
Aujourd’hui, aucun procès à la cour d’assises ne se fait sans expert psychologue. Mais pour obtenir cette reconnaissance, il ne suffit pas d’en faire la demande. Il faut d’abord être inscrit sur une liste d’experts. Pour cela, il est nécessaire d’avoir une certaine expérience. “Il faut montrer qu’on est connu et reconnu dans notre profession” explique Bertrand Phesans.
Lui a d’abord été psychologue hospitalier et a saisi une opportunité à un moment de sa carrière qui l’a permis d’accéder à ce statut d’expert.
“Il y a presque 40 ans, mon patron était expert et il m’a proposé de faire des expertises avec lui. J’ai donc ensuite monté mon dossier, car j’y ai vu une grande opportunité”, le psychologue n’a donc pas hésité. “C’est surtout les paires qui nous proposent et nous amènent sur ce chemin-là”.
En étant recommandé par ses supérieurs, c’est une garantie pour la justice qui valide plus facilement le dossier. Ensuite, le professionnel doit envoyer son dossier au parquet, qui décidera s’il a le profil adapté pour ce rôle. Enfin, une commission est réalisée par une assemblée de magistrats qui décident, ou non, d’inscrire le psychologue sur la liste des experts de la cour d’appel.
Outre la cour d’appel, il existe également les experts agréés à la Cour de cassation. “Je les appelle les ‘super-experts’, c’est des professionnels qui sont censés avoir 10-15 ans d’expériences en tant qu’expert à la cour d’appel. C’est l’excellence quoi !”. Depuis 27 ans, Bertrand Phesans fait partie de ce cercle très fermé. Mais pour arriver à ce statut, il faut avant tout avoir une grande expérience en tant que psychologue ou psychiatre clinique, pour connaître et déceler toutes les pathologies mentales. "Il faut d’abord avoir une idée du genre humain et des structures psychologiques de chacun donc il faut se faire son expérience", explique-t-il.
Déceler l’inavouable
Lorsqu’un expert est appelé sur un dossier, il reçoit une lettre, appelée ordonnance de commission d’expertise, de la part du juge d’instruction. Par ce biais, le juge lui pose des questions et donne un délai à l’expert pour rendre son compte-rendu. Le psychologue doit, par la suite, rencontrer la personne en question, pour tenter de diagnostiquer son trouble. “La personne peut être en prison, à l’hopital ou en liberté et on se débrouille pour se rendre là où il est", explique Bertrand Phesans. Le but : déterminer si la personne souffre d’une maladie mentale, “mais à 98% des cas, les mis en examen ne présentent pas de pathologie, dans ces cas-là, il faut donner une explication psychologique au passage à l’acte”.
Après avoir réalisé son expertise, l’expert est convoqué par le juge d’instruction pour assister au procès et exposer ses résultats. “On va systématiquement aux Assises pour soutenir son travail puisqu’il s’agit d’une procédure orale”. Une fois qu’un psychologue est nommé expert, il ne peut plus refuser une expertise. Par ailleurs, il peut également réaliser une expertise sur les victimes pour évaluer leur préjudice.
Les psychologues croulent sous les dossiers
Pour exercer le métier de psychologue et devenir expert, il faut être passionné. “J’ai toujours été intéressé par le pire et le meilleur chez l’être humain et donc je trouve que c’est vraiment le lieu idéal”. Aussi, il faut être prêt à recevoir différents dossiers qui n’ont rien à voir entre eux.
“Vous pouvez recevoir quelqu’un qui a violé de façon horrible, ou alors la victime en pleurs devant vous. Et il faut à la fois écouter les gens, ne pas être dans la compassion et être capable de déterminer les roublards qui en rajoutent”, confie Bertrand Phesans.
A la cour d’appel de Paris, ils sont entre 1500 et 2000 experts psychologues. Et s’ils sont nombreux, c’est parce qu’il y a plusieurs millions d’expertises réalisées chaque année. En effet, tous les procès criminels doivent obligatoirement contenir des expertises psychiatriques et psychologiques. L’Etat a donc tarifé ces expertises. Les experts sont alors payés entre 400 et 500 € l’expertise. En moyenne, Bertrand Phesans réalise une centaine d’expertise par an. Un rôle qui lui prend beaucoup de temps, mais qui prend tout son sens lors des procès.