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Affaires françaises

Indicateurs de la police: cette arme secrète des enquêteurs

Claude Cancès, l'ancien directeur de la police judiciaire de Paris, se confie sur le rôle des indicateurs de la police (image d'illustration)

Claude Cancès, l'ancien directeur de la police judiciaire de Paris, se confie sur le rôle des indicateurs de la police (image d'illustration) - AFP

Pour pouvoir obtenir des informations et permettre d'arrêter des criminels, les enquêteurs de la police font régulièrement appel à des indicateurs, aussi appelés "informateurs".

"Balances", "cousins", "casseroles" ou encore "mouchards", autant de surnoms sont employés pour parler des indicateurs de la police. Par simple devoir civique ou pour obtenir une récompense, certains partagent des informations concernant des personnes impliquées dans des réseaux criminels.

Depuis le 9 mars 2004, la loi Perben II régit cette pratique qui n'avait jamais été encadrée auparavant. Cette loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité légalise la pratique des indicateurs de la police en faisant en sorte qu'ils soient rétribués. "Elle impose qu'ils soient payés en espèces en échange de leurs informations", explique Claude Cancès, ancien directeur de la police judiciaire de Paris, à RMC Crime.

Ces informateurs sont désormais immatriculés et portent un nom de code pour les répertorier et ces fichiers sont regroupés au sein de la Direction centrale de la police judiciaire, dans le bureau central des sources. Ils sont ensuite classés en fonction de leur savoir-faire criminel ou délictuel et sont attribués à un service de police qui se chargera d'eux.

Claude Cancès précise que cette loi connaît des limites, car certains indicateurs ne souhaitent pas être inscrits dans ce fichier. "La bonne vieille méthode que j'ai connue perdure, c'est-à-dire que des policiers continuent d'avoir des informateurs qui ne sont pas fichés et donc pas réglementés".

Informé pour être protégé

Le recrutement des informateurs se fait de plusieurs façons. Il y a ceux qui se manifestent directement auprès des services de police pour leur donner des informations et puis, il y a les hors-la-loi qui, au cours de leur garde à vue par exemple, proposent leur service pour bénéficier de faveur notamment dans leurs conditions de détention.

"Le premier indicateur que j'ai eu au début de ma carrière, c'était un homme qui tenait un magasin de vêtements sur le boulevard Sébastopol, à Paris, et que j'avais rencontré en m'achetant un costume. Il se trouvait à côté de la rue Saint-Denis qui était très fréquentée par des prostitués. Il voyait donc tout ce qu'il se passait et me transmettait tout", explique l'ancien directeur de la police judiciaire de Paris. C'était parfois des petites informations, mais, comme dit Claude Cancès, "les petits ruisseaux mènent souvent vers de grandes rivières".

L'ancien directeur se souvient également de sa collaboration avec la célèbre proxénète Madame Claude. Réputée, dans les années 60, pour employer les filles les plus belles de Paris, elle voyait défiler tout le gratin parisien allant de responsables politiques aux vedettes de cinéma. En échange d'informations qu'elle donnait à la police, ces derniers fermaient les yeux sur son activité. "On était un peu complice du délit de proxénétisme", avoue Claude Cancès qui lui a même rendu plusieurs fois service: "Lorsqu’elle avait des doutes sur une fille, elle demandait à notre chef de groupe de faire une petite enquête de moralité".

Et les contreparties peuvent varier. Cela va du petit délinquant pour lequel la police va fermer les yeux sur ses infractions en échange d'informations sur des bandes adverses à une somme d'argent.

"Parfois, s'ils étaient interpellés pour une infraction bénigne, ils disposaient d'une convocation où il était indiqué le nom et les coordonnés de l'inspecteur qui le gérait pour confirmer au policier qu'il devait le laisser tranquille", confie l'ancien directeur de la police judiciaire.

Les concierges d'immeuble, aussi, sont des informateurs très actifs auprès de la police. "C'était une mine d'or pour nous, car ils savaient tout ce qu'il se passait dans leur immeuble et parfois même dans tout leur quartier".

Une relation pas toujours facile à gérer

Cette relation qui lie les policiers aux délinquants n'est pas toujours facile à gérer du côté de la police qui doit toujours garder le contrôle de la situation. Cela peut parfois être compliqué car ils doivent instaurer un lien de confiance tout en gardant une certaine distance.

"Ils ne doivent pas trop sympathiser et créer de liens d'amitié sinon toutes les dérives sont permises", explique-t-il, "j'ai déjà vu certains collègues se faire avoir car ils étaient allés un peu trop loin dans leurs relations". Pour Claude Cancès, la solution repose sur le fait que "le policier doit toujours dominer son indicateur et jamais l'inverse".

Pour protéger leurs indicateurs, toutes les mesures sont prises par la police. Certaines règles ont été imposées pour garantir leur sécurité. Le policier et son informateur se donnent, notamment, toujours rendez-vous en physique pour ne pas risquer de laisser une trace de leurs échanges. "Ils se rencontrent exclusivement dans des endroits discrets, loin du domicile de l'indicateur et du service de police", nous explique Claude Cancès.

Si jamais un indicateur est démasqué, la police lui conseille de "disparaître" un moment pour éviter les risques de représailles, car pour les services de police, "il est impossible de les protéger nuit et jour".

Alix Mancel