Médecin légiste, un métier au cœur de l'humain

Un médecin légiste travaille sur les dépouilles afin de trouver l'origine du décès. - ELVIS BARUKCIC / AFP
Quand on pense à médecin légiste, c’est l’image de “Ducky”, de la série américaine NCIS qui nous vient à l’esprit. Lors des autopsies, l’acteur s’adresse aux cadavres et en vient à s’attacher à eux. Pourtant, cette image ne reflète pas toute la réalité de cette profession. Depuis six ans, Grégoire est médecin légiste à la Rochelle. Pour RMC Crime, il livre son quotidien partagé entre son activité de médecin généraliste et légiste.
Dans médecin légiste, il y a avant tout le mot "médecin". Il ne faut pas avoir le vertige face aux nombres d’années exigées: “Il faut passer 6 ans en médecine. Après, on passe le concours de l’internat puis on choisit sa spécialité, et c’est reparti pour trois ans. Pour être médecin légiste, il faut compter deux ans supplémentaires. Pour travailler dans ce domaine, il faut un bac+11", commence par nous expliquer le médecin.
Mais Grégoire ne s’arrête pas là. Comme beaucoup de médecins, il continue à suivre des formations complémentaires pour acquérir de nouvelles compétences. Médecine, mais aussi psychologie, droit ou expertise en accidents... il passe régulièrement des diplômes pour s'enrichir de connaissances.
Au départ, il est médecin généraliste, mais en parallèle, il veut avoir une autre activité: “Je n’avais pas envie d’être lassé, alors je me suis renseigné sur la médecine légale.” Lors de ses stages, il assiste à plusieurs autopsies. Mais cela ne le convainc pas de suite de faire cette spécialité:
“Je n’ai pas été captivé lors du premier examen. Un corps avait été retrouvé dans un cours d’eau plusieurs semaines après. Il était gonflé, et ne sentait pas très bon. Mais, j’ai assisté à une autre analyse, où c’était un homme tué par arme à feu. Là, ça m’a intéressé, car ça mêlait à la fois de l’enquête policière et le côté investigation médicale.”
Aucune journée ne se ressemble
Trois activités rythment le quotidien d’un médecin légiste. La première et la plus connue, c’est l’étude des cadavres. Et cela passe par l’examen des corps ou l’autopsie. Mais l’essentiel de leur activité se résume à la victimologie. Le médecin légiste reçoit des victimes vivantes et elles racontent ce qu’elles ont subi. Son rôle est de réaliser une expertise des lésions du patient.
Dans ce cadre, il doit voir si les allégations de la personne concordent avec ce qu’ils constatent. En fonction de la gravité des blessures, ce dernier fixe le nombre de jours d’incapacité temporaire ou totale de travail (ITT). Si cela est inférieur à moins d’une semaine et sans circonstances aggravantes, le dossier relève du tribunal de police. Si c’est plus élevé et grave, alors il est renvoyé au tribunal correctionnel.
Sa troisième activité est liée à la justice. Ce trentenaire peut être amené à réaliser une autopsie judiciaire. Son rôle est de déterminer s’il y a eu l’intervention d’un tiers. Connaître l’origine du décès permet au magistrat de savoir si une personne peut être inquiétée sur un plan délictuel ou criminel.
Lorsque le médecin légiste réalise une autopsie, cela peut prendre une heure et demie comme une journée entière. Si cela ne suffit pas à déterminer l’origine de la mort, il peut réaliser des examens supplémentaires comme des prélèvements toxicologiques ou des analyses génétiques. Parfois, ce dernier peut être limité financièrement, ce qui l’empêche de poursuivre son travail:
“Quand on réalise une analyse scientifique, il n’y a pas de restrictions budgétaires. Donc, on finit toujours par savoir la cause de la mort. Alors que pour l’autopsie judiciaire, la justice veut simplement savoir s’il y a eu l’intervention d’un tiers et souvent, on s’arrête là.”
Parfois, ce médecin légiste intervient en tant qu’expert pour des procès aux assises. Pour cela, il faut remplir certains critères notamment des diplômes en médecine et des spécialités spécifiques. Dès lors, le professionnel peut être désigné afin d’apporter son analyse sur des affaires criminelles: “Mon rôle, c’est d'expliquer avec des mots simples les complexités médicales aux jurés d'assises. L’objectif, c’est qu’ils puissent condamner en conscience et en étant éclairés.”
Savoir prendre de la distance
Même si son métier le passionne, Grégoire s’est forgé une carapace pour continuer à l’exercer. “Nous sommes médecins, c’est notre travail. Malgré tout, les personnes décédées de morts naturelles sont plus difficiles à voir. Si une personne se suicide et que son corps est retrouvé plus tard, les animaux peuvent avoir mangé de la chair humaine. Alors que les homicides, c’est moins difficile. Les plaies peuvent être provoquées par une arme blanche ou à feu, ce sont des morts plus propres.”
Côté salaire, Grégoire dit ne pas avoir à se plaindre sur ce qu’il touche. Un médecin légiste commence à 3500 euros net en comptant les gardes à l'hôpital, et en fin de carrière cela augmente. “Avant, je travaillais plus de 80 heures par semaine, mais j’ai réduit le rythme. Je voulais trouver un équilibre entre mon travail et ma vie de famille.“
Seul sur la zone de la Rochelle, il constate une pénurie dans son secteur. Et beaucoup de postes vacants. Face à cette réalité, le trentenaire préconise aux jeunes de ne pas lâcher, même si le chemin pour y parvenir est long. Mais le jeu en vaut la chandelle selon lui. "La curiosité est la qualité principale pour faire ce métier. C’est aussi une logique différente de la médecine générale. Vous gérez sans cesse l'incertitude des patients. Ces derniers sont atteints de pathologies et parfois vous ne savez pas ce qu’ils ont. Alors que la médecine légale, c’est totalement l'inverse. Tant que vous n’avez pas trouvé, vous continuez à chercher".