RETOUR SUR. Comment la journaliste Aude Bariéty s'est mise sur les traces de Nordahl Lelandais

Le 31 janvier dernier, le procès de Nordahl Lelandais s'est ouvert pour le meurtre de la petite Maëlys, devant la cour d'assises de l'Isère, à Grenoble. - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP
Lorsque l'histoire de la petite Maëlys éclate en 2017, Aude Bariéty est journaliste pour leFigaro.fr et se spécialise dans les faits divers. C'est le moment où, avec sa famille, Maëlys participe au dramatique mariage du 27 août 2017, à Pont-de-Beauvoisin, en Isère.
Depuis 3h00 du matin, elle n'est pas réapparue et ses proches s'inquiètent. Quelques mois après sa disparition, un suspect est interpellé, c'est Nordahl Lelandais. Il est mis en examen pour l'enlèvement et la mort de Maëlys. En février 2018, l'homme avoue l'avoir enlevé et tué "involontairement".
Pour Aude Bariéty, "il n'y a pas une seule affaire Lelandais, mais plusieurs. Il y a celle du caporal Arthur Noyer, de Maëlys, mais aussi celle de ses petites cousines". Et puis, il existe d'autres dossiers de disparitions non élucidées où son nom a été cité, sans pour autant qu'il soit mis en cause.
L'autre affaire Lelandais
De fait, la seconde affaire émerge rapidement: celle du caporal Arthur Noyer. Après une soirée festive en avril 2017 à Chambéry, le jeune homme de 23 ans disparaît sans laisser de traces. Ce n'est que le 7 septembre, qu'un promeneur tombe sur un morceau de crâne. En décembre 2017, Nordahl Lelandais est mis en examen pour "assassinat". Puis en avril 2018, il reconnaît le meurtre d'Artur Noyer.
"J’ai été très intéressée par les procès, ce sont avant tout des histoires profondément humaines", nous raconte Aude Bariéty. "Une affaire judiciaire part très souvent d’un délit, d'un crime, mais ça n’empêche pas que des pépites d’humanité peuvent surgir", juge-t-elle.
Nouvelle à l'époque dans son service, Aude Bariéty se voit confier le suivi de cette affaire. Une belle opportunité. Puis, pendant quatre ans, elle travaille sur ces deux dossiers et publie des papiers au gré de l'actualité. "En mai 2021, je me suis rendue au premier procès du meurtre d'Arthur Noyer à Chambéry. Puis, à celui de Maëlys en janvier 2022 à Grenoble."
Même si elle essaie de s'en protéger, en séparant sa vie personnelle et professionnelle, elle ressent toujours ce frisson lorsqu'elle entre dans une salle d'audience: "Un procès, c’est des moments d’une intensité très forte. J'imagine que ça peut ressembler à ce que l'on éprouve lors d'un match important, ou d'une finale de Coupe du monde."
Lors du premier procès de Nordahl Lelandais, elle se souvient des témoignages poignants du père d'Arthur Noyer, et d'une lettre lue par sa grand-mère. La journaliste constate un "grand respect" entre l'entourage de l'accusé et celle de la victime:
"Le père du caporal ne supporte pas que les membres de la famille de Nordahl Lelandais soient attaqués pour ce que leur fils, frère, a fait. Parfois, ils se serraient dans les bras et discutaient en dehors de la salle d'audience."
Cette affaire marque sa carrière. Elle lui a permis de prendre de la distance et de se remettre en question. Pendant des années, elle a écrit des papiers sur ces histoires, sans jamais avoir rencontré l'accusé. Se retrouver face à lui au procès, reste un moment fort.
Ne pas mettre de côté les affaires de cold cases
Quelques jours avant l'ouverture du procès pour le meurtre de Maëlys, Aude Bariéty publie le 26 janvier dernier Nordahl Lelandais: Du procès Noyer au procès Maëlys, aux éditions du Rocher. L'objectif de son livre est de raconter tout ce qui s'est passé avant, puis ce qui a mené aux procès.
Aude Bariéty garde à l'esprit des regrets dans le traitement de ces affaires. Dans son livre, la journaliste aurait aimé avoir les témoignages des familles des victimes ou encore de l'avocat de Nordahl Lelandais. Elle comprend le choix de ne pas se confier à la presse, mais cela lui aurait permis d'être proche de ce qu'ont vécu ces personnes.