RETOUR SUR. Comment la journaliste Patricia Tourancheau s'est mise sur les traces de Guy Georges
Les affaires criminelles, c'est son domaine, elle en connaît un rayon. Patricia Tourancheau, longtemps journaliste pour Libération, aujourd'hui autrice et réalisatrice indépendante, est l'une des plus grandes spécialistes en France de ces sujets. Pourtant, une histoire en particulier l’a marquée, celle du tueur en série Guy Georges. Elle explique pourquoi à RMC Crime.
C’est dans les années 1990 que le tueur Guy Georges commence à sévir dans Paris. Alors qu’elle déjeune avec un de ses contacts, ils discutent du meurtre de Magali Sirotti, tuée en 1997. Sa source lui confie que les enquêteurs se demandent si d’autres meurtres ne sont pas l'œuvre d’un seul et même homme. Alors, elle découvre, en off, que c’est bien le cas.
Son contact lui demande de garder cette information et de ne pas la divulguer. Si elle le fait, cela pourrait créer une psychose dans la ville et nuire à leur travail. Mais certains médias le font. Alors le journal Libération, pour lequel elle travaille, embraye le pas. Il publie le témoignage de la mère d'Hélène Frinking, tuée en 1995. Pendant deux ans, elle a dû se murer dans le silence, afin de laisser l’enquête se dérouler dans de bonnes conditions. Au plus profond d’elle, cette mère sent que le tueur de Magali Sirotti est aussi celui de sa fille.
Un contraste déroutant
Les investigations continuent. Le 24 mars 1998, l’ADN matche et donne un nom, celui de Guy Georges. Deux jours plus tard, le tueur en série est arrêté dans un Monoprix à Paris. Patricia Tourancheau suit de près son procès en 2001. Un moment éprouvant pour la journaliste: “Je devais écrire tous les jours, j’étais complètement envahie, submergée à ce moment-là. C’est passionnant, obsédant, mais j’essaye de garder un tout petit recul. Parfois, ça peut me réveiller la nuit.”
Lorsque Guy Georges arrive dans le box des accusés, Patricia Tourancheau est frappée par l’image qu’il renvoie: “Il est souriant, avenant, avec des yeux verts assez particuliers. Ça ne colle pas avec les images de scène de crimes et les massacres qu’il a commis.”
Ce n’est pas la dernière fois qu'elle sera confrontée à lui. Avant d’écrire son livre sur le tueur, la fait-diversière lui envoie un courrier. A ce moment-là, il est incarcéré à la maison centrale d’Ensisheim. Ce dernier répond à sa lettre et préfère discuter de vive voix au parloir de la prison. Alors, la journaliste fait la demande au centre pénitentiaire. Mais celle-ci est refusée. Finalement, son ouvrage se fera sans Guy Georges. En 2015, la journaliste retente sa chance avec un reportage sur les longues peines pour l’Obs. Cette fois-ci, sa demande est acceptée. Elle passe deux jours dans la maison centrale, où sont présents les plus grands criminels français.
Sa rencontre avec Guy Georges
Patricia Tourancheau cherche le tueur dans la prison, mais ne le trouve pas. Un concert se tient dans la cour, alors elle s’y rend: “ Guy Georges aime la musique, alors je pense le trouver là-bas. Je ne l’ai pas reconnu, alors qu'il était juste à côté de moi.”
La journaliste s’est imaginée à plusieurs reprises la discussion qu’elle aurait avec le tueur. Finalement, elle se retrouve face à un homme totalement drogué aux médicaments, incapable de tenir une conversation: “J’ai écrit sur lui, je l’ai vu au procès, mais là, je le voyais en chair et en os. C’était un grand moment, mais aussi très pathétique. Il ne pouvait même pas répondre à mes questions, vu l’état dans lequel il se trouvait.”
Pour la journaliste, l'affaire de Guy Georges restera l’une des histoires les plus symboliques de sa carrière, même si ce n’est pas la seule. Malgré tout, elle dédie un livre sur cette affaire: “J’ai voulu écrire dessus, car ça reste l’un de nos plus grands tueurs en série français. Dedans, on y retrouve des témoignages poignants, mais aussi une correspondance entre une des mères des victimes et le tueur.”
Puis, Patricia Tourancheau co-réalise le documentaire Les femmes et l’assassin. Diffusé en 2021 sur la plateforme Netflix, il retrace l’affaire du tueur de “l’Est parisien”, avec un point de vue assumé: “Guy Georges a assassiné des femmes puissantes, énergiques, battantes, pleines de vie. Dans ce film, on choisit de mettre en avant des femmes qui l’ont combattues ou défendues.”