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Tueurs en série

RETOUR SUR. Comment le journaliste François Rousseaux s'est mis sur les traces de l'affaire Troadec

En 2017, Hubert Caouissin tue les 4 membres de la famille Troadec à Nantes, en Loire-Atlantique

En 2017, Hubert Caouissin tue les 4 membres de la famille Troadec à Nantes, en Loire-Atlantique - BFMTV

Journaliste pour Télérama, François Rousseaux a suivi l'affaire Troadec. Pour RMC Crime, il revient sur l'une des affaires les plus marquantes de sa carrière.

“L'affaire Troadec est une histoire où l’ordinaire côtoie l'extraordinaire. Une famille sans histoire, mais dont la mort a été extrêmement violente”. C’est ainsi que François Rousseaux, alors journaliste pour France Télévisions, décrit ce fait divers nantais devenu célèbre. Il est 7h00, le journaliste écoute France Info. A la radio, il entend une nouvelle qui attire son attention immédiatement. Une famille disparaît le 18 février 2017, à Nantes, en Loire-Atlantique.

Coïncidence ou pas? Mais à cette époque, François Rousseaux travaille pour France 2. Il réalise un reportage tout juste diffusé sur Xavier Dupont de Ligonnès. Cette nouvelle information pique instantanément sa curiosité journalistique. A partir de ce moment, il travaille à son propre compte sur cette affaire. Avant d'y consacrer un livre, il mène l’enquête pendant plusieurs mois:

"Je devais m'immerger dedans, pour pouvoir reconstruire le puzzle pièce par pièce, mais ça demande du temps."

Pourtant, ce journaliste n'est pas spécialisé dans le fait divers, mais est plutôt généraliste. Malgré tout, l'affaire Troadec l'a marqué: "Ces personnes vivaient simplement, comme des millions de Français", indique-t-il.

Quadruple meurtre à Nantes

Les faits remontent à 2017, à Orvault, près de Nantes. Quatre membres de la famille Troadec disparaissent dans la nuit du 16 au 17 février. Trois semaines plus tard, Hubert Caouissin, beau-frère de Pascal Troadec, et sa compagne Lydie Troadec, sont placés en garde à vue. Des traces d'ADN ont été retrouvées sur le lieu du crime. Le lendemain, il avoue le quadruple meurtre, et est mis en examen pour assassinat.

Pour expliquer ce geste, l'homme accuse son beau-frère de s'être emparé d'un trésor familial, mettant de côté sa soeur Lydie Troadec. De nuit, il décide de les espionner dans leur maison. Mais Pascal Troadec le surprend et une bagarre éclate. L'homme se serait emparé d'un pied-de-biche, et a tué les quatre occupants de la maison. Il explique avoir démembré les corps, en avoir enterré une partie, et brûlé l'autre.

Plongée dans cette affaire hors norme, le journaliste s'isole et passe son temps à écrire. Il continue d'alimenter ses recherches pour bâtir une chronologie de l'affaire. A force de travailler dessus, ce dernier commence la nuit à faire des cauchemars. Malgré tout, son obsession journalistique reste indemne. Il veut se rapprocher au plus près de la réalité de ce qui a pu se passer:

"Je pensais souvent aux victimes, notamment à ces deux adolescents dans la fleur de l'âge. Pour moi, c'était important de pouvoir les faire exister autrement que par l’horreur du crime."

Des liens tissés avec les soeurs de Brigitte Troadec

Au cours de son enquête, François Rousseaux rencontre les deux soeurs de Brigitte Troadec, mais il a fallu du temps pour tisser ce lien de confiance. Lors de l'enterrement de la famille Troadec, le journaliste se souvient de la dignité, de la combativité de ces femmes. Marqué par cet événement, il en consacre même un chapitre dans son livre:

"C'est un deuil absolument épouvantable. Avec l'épreuve qu'elles traversent, je les trouve extrêmement solides, et forcément, ça me touche."

Pour François Rousseaux, cette affaire est à mi-chemin entre un polar psychologique et un film d'horreur. Même si elle a été très médiatisée, son objectif est de mieux la comprendre, et de traiter ça avec sobriété.

Même si François Rousseaux reste sensible à cette histoire, il garde une certaine distance. Ce dernier reste avant tout journaliste, et ne veut pas emprunter le rôle d'un avocat, d'un policier ou encore d'un juge d'instruction. Cette expérience lui permet d'en apprendre beaucoup sur sa personne, mais aussi sur la prudence qu'impose ce métier: "Il ne faut pas écouter les petites voix à l'intérieur de soi, mais aussi se méfier des a priori. Les faits avant tout."

La fin du procès, la fin d'une histoire

A peine un mois avant le procès pour le meurtre de la famille Troadec, François Rousseaux publie Pour tout l'or du monde, aux éditions Fayard. Son livre n'est pas une suite de chroniques de procès-verbaux, ni la retranscription d'un simple fait divers. Le journaliste le raconte comme un fait social de manière très littéraire. Cette histoire l'a complètement embarqué, alors il décide d'en faire de même avec le lecteur: "J'ai fouillé, creusé, je me suis aussi intéressé à la personnalité de cette famille, afin de ne pas m'arrêter au premier regard."

Le procès d'Hubert Caouissin et de Lydie Troadec s'ouvre le 22 juin 2021 à Nantes, en Loire-Atlantique. Lui, est jugé pour "meurtre précédé, accompagné ou suivi d'un autre crime" et "atteinte à l'intégrité de cadavres". Elle, comparait pour "recel de cadavres" et "modification des preuves d'un crime".

François Rousseaux n'a jamais échangé directement avec Hubert Caouissin. Mais il se rend au procès. Lorsque l'homme s'avance dans le box des accusés, le journaliste n'est pas surpris de la personnalité d'Hubert Caouissin. Il a lu des centaines de pages sur son compte, ce dernier est comme il l'a imaginé:

"Hubert Caouissin est assez froid, bavard, et donne un maximum de détails sur la scène de crime", se souvient-il.

Quinze jours plus tard, le verdict tombe. Il est condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour le quadruple meurtre de la famille Troadec, et son ex-compagne écope de trois ans de prison dont un avec sursis.

Pour le journaliste, des zones d'ombres persistent autour de cette affaire. Mais une fois le procès passé, c'est aussi une page qui se tourne pour François Rousseaux.

Marine Lemesle avec Alix Mancel