Il avait changé d'identité, déménagé dans le Sud, et pourtant son véritable nom a ressurgi récemment. Après une tentative de viol sur mineure à Nice (Alpes-Maritimes), Selim Fourniret, le fils de l'"ogre des Ardennes" et de Monique Olivier, a été mis en examen et placé sous bracelet électronique mardi.
D'aucuns tomberaient dans des raccourcis en déclarant: "tel père, tel fils". Car l'apparition du fils Fourniret dans les médias a pu soulever la question suivante: avec pour seuls modèles Michel Fourniret et Monique Olivier, le jeune homme était-il condamné à devenir à son tour un prédateur sexuel?
À l'image de Selim Fourniret, qui était âgé de 15 ans lors de l'arrestation de ses parents, les criminels laissent parfois derrière eux des mineurs en pleine construction. Dans ces cas-là, un soutien psychologique est essentiel pour faire comprendre à l'enfant que malgré leur filiation, "la prison ne sera pas un passage obligé" pour eux, résume Marjorie Sueur, psychologue près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, auprès de RMC Crime.
Poser des mots sur le drame
Dans la plupart des départements, la justice prend des mesures rapidement après l'incarcération du parent afin que l'enfant puisse bénéficier d'un suivi. C'est grâce à un dispositif de cet ordre que Marjorie Sueur reçoit régulièrement des mineurs en consultation, au sein de l'association Aide aux Victimes du Var. Première étape: "mettre des mots sur ce qu'il s'est passé", précise-t-elle.
Pas facile, lorsque l'enfant est encore petit, de verbaliser et d'expliquer le drame qui a mené l'un de ses parents, voire les deux dans le pire des cas, en détention. "J'essaie de ramener la situation à quelque chose qu'ils connaissent. J'explique qu'un adulte doit connaître ce que la loi l'autorise à faire ou non, et que s'il ne la respecte pas, il doit être puni."
"On peut aussi dire qu'une peine de prison est un temps donné à l'adulte pour réfléchir à ce qu'il a fait", poursuit la psychologue.
"Se positionner entre les parents et la société"
Lorsqu'ils ont grandi dans un environnement violent, c'est aussi à leurs accompagnants de rebâtir les contours d'un cadre sain: "La violence est parfois devenue une norme pour eux, il faut leur montrer que non."
Reconstruire une norme, redonner des repères... Une tâche ardue, mais qui doit être réalisée en discutant régulièrement avec ces mineurs de ce qui relève de l'anormal, de l'autorisé comme de l'interdit.
"L'enfant peut être très troublé, pris entre deux feux, et ne pas arriver à se positionner entre ses parents et la société", analyse de son côté le Dr Gilbert Vila, coordinateur du centre de Victimologie pour Mineurs de l'hôpital Trousseau, à Paris.
Placer l'enfant ou non?
Le centre qu'il dirige accueille notamment beaucoup d'enfants témoins de féminicides ou de violences conjugales. Et lorsque le crime advient directement dans la sphère familiale, il faut d'urgence reconstruire un cadre, expliquer que les conflits ne se résolvent pas avec de la violence. "On essaie aujourd'hui d'intervenir le plus tôt possible, presque dès la scène de crime."
À charge ensuite à tous les acteurs de la protection de l'enfance, des pédopsychiatres aux services sociaux, de déterminer si l'enfant doit être placé, ou s'il peut se maintenir au maximum dans le même environnement que précédemment. Une solution plus souhaitable que la première lorsqu'elle est possible, ajoute Gilbert Vila.
"L'idée est de maintenir au maximum l'enfant, qui a déjà subi de forts traumatismes, dans le même cadre de vie. Le laisser dans la même école, le faire garder si possible par des membres de la famille... Tout pour éviter un placement."
"Ni banaliser, ni dramatiser"
Autre impératif qui relève du suivi psychologique, et pas des moindres: faire comprendre à l'enfant qu'il peut se construire sans tomber dans une identification constante à ses parents. Selon Marjorie Sueur, "on essaie de ne pas diaboliser le parent, mais de faire en sortes qu'il ne soit pas idéalisé non plus. Il ne faut ni banaliser, ni dramatiser".
À terme, l'objectif est donc de faire comprendre à ces enfants que même s'ils peuvent avoir des traits communs avec eux, ce n'est pas parce que leurs parents ont commis des actes irréparables qu'ils le feront à leur tour.
"Ils doivent réussir à construire leur identité d'homme ou de femme, mais pas à l'identique de leurs parents. Rien n'est fixé dans le marbre", détaille l'experte. "Il faut arriver à leur rendre leur propre vie, à leur faire comprendre qu'ils n'ont pas à porter le poids des actes que leurs parents ont commis."