Affaires françaises

Robert Avril, le premier portrait-robot de l'histoire de la police française

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Robert Avril, le premier portrait-robot - Archives de la police scientifique de Paris
Créé en 1955, le premier portrait-robot a permis d'élucider le meurtre d'une jeune femme qui était resté impuni pendant trois ans. Grâce à une balafre, la police a pu identifier Robert Avril.
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De nos jours, la technique du portrait-robot est souvent utilisée par la police française pour tenter de recueillir des témoignages dans le but d'identifier un criminel. Pourtant, cette méthode est d'usage depuis moins d'un siècle.

À l'occasion du centenaire du laboratoire de la police scientifique, les agents de cette brigade sont revenus sur la première fois qu'ils ont utilisé le portrait-robot pour élucider le meurtre d'une jeune femme et identifier son assassin.

Le premier visage que les enquêteurs ont dessiné et diffusé était celui de Robert Avril.

L'enquête confiée au "Maigret du Nord"

Pour en savoir plus sur cette histoire, il faut remonter au 28 août 1955. Ce jour-là, le corps d'une jeune femme est retrouvé à moitié dévêtu, près de Belloy-sur-Somme. Les policiers de la police scientifique arrivent rapidement à identifier la victime grâce aux effets personnels retrouvés près de son corps.

Il s'agit de Janet Marshall, une jeune femme de 30 ans originaire du Royaume-Uni. Au moment de son meurtre, elle parcourait les routes de France à vélo pour profiter de ses vacances d'été.

Malgré le fait que la victime ait été identifiée, l'enquête pour remonter la piste de son meurtrier s'annonce compliqué. Ce dossier est donc confié à trois commissaires, dont le commissaire Chabot. Car, trois ans après l'affaire Dominici, la police n'a plus le droit à l'erreur et doit se montrer irréprochable.

Pourtant, l'enquête piétine. Le commissaire Chabot décide donc de faire appel à l'inspecteur Henri Van Assche, surnommé à l'époque le "Maigret du Nord". C'est avec lui que l'affaire va prendre un tournant décisif.

Une balafre comme point de départ

L'inspecteur Henri Van Assche décide de reprendre le dossier du début pour espérer relever des éléments qui n'avaient pas été étudiés auparavant. Et c'est le témoignage d'une factrice affirmant avoir croisé la route du suspect présumé, le jour du meurtre, qui va l'intéresser.

Au lendemain du meurtre, elle avait déclaré avoir vu un homme "bizarre" avec une "balafre", la main mutilée, qui tournait dans le coin où a été retrouvé le corps de Janet Marshall. En s'intéressant de plus près à ses déclarations, Henri Van Assche a l'idée de créer le premier portrait-robot au vu des détails physiques spécifiques que présentait cet homme.

Pour ça, il fait appel à l'inspecteur Émilien Paris de la police judiciaire de Lille, spécialisé dans l'identité judiciaire, pour réaliser le portrait-robot du suspect. Une fois dessiné, il a ensuite été diffusé à tous les départements de la police. Et cela va commencer à porter ses fruits.

La technique utilisée par Émilien Paris pour réaliser le premier portrait-robot est inspirée d'Alphonse Bertillon, l'inventeur de l'anthropologie judiciaire, qui a permis de recenser les particularités des criminels.

Deux témoignages mènent au suspect

La balafre que présente le principal suspect fait écho à la mémoire de certaines personnes. Notamment à un gardien de prison qui pense reconnaître le visage d'un détenu auparavant emprisonné dans la prison de Meaux. La police découvre qu'il s'agit d'un certain Robert Avril.

Et ce n'est pas le seul rapprochement avec lui. En s'intéressant à cet homme, les enquêteurs remarquent qu'un certain Robert Avril avait eu un accident à bord d'un vélomoteur, en région parisienne, et qu'il avait la main gauche mutilée. Ces éléments correspondent donc à la description donnée par la factrice.

Après avoir étudié le cas de Robert Avril, la police découvre qu'il est déjà bien connu de leurs services. Abattage clandestin d'animaux, viols, vols de bicyclettes... la liste des délits commis par cet homme n'en finit pas.

Pour être sûr qu'il s'agisse bien de lui, les policiers lillois décident de comparer le portrait-robot avec les photographies anthropométriques enregistrées dans leurs fichiers. Pour eux, il n'y a pas de doute, la ressemblance est flagrante.

Après 137 jours d'enquête, les policiers arrêtent le meurtrier de Janet Marshall. Le 7 janvier 1956, il est interrogé et finit par avouer les faits. Deux ans plus tard, le 7 mai 1958, il est finalement condamné par la cour d'assises de la Somme aux travaux forcés à perpétuité, puis libéré en juin 1971.

Alix Mancel

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