Il y a 36 ans, Françoise Hohmann disparaissait: enfin l'espoir d'un démêlé judiciaire?

Les dossiers concernant Jean-Marc Reiser sur une table de la cour d'assise du Haut-Rhin, au premier jour de son procès en appel pour le meurtre de Sophie Le Tan, le 20 juin 2023 à Colmar - PATRICK HERTZOG © 2019 AFP
L'annonce est tombée seulement quelques semaines avant le 36e anniversaire de la disparition. Des années après avoir été soupçonné et jugé dans cette affaire, Jean-Marc Reiser est à nouveau mis en examen dans le dossier Françoise Hohmann, une jeune Alsacienne disparue en 1987.
Jusqu'ici, l'affaire Hohmann restait un angle mort dans le parcours de Jean-Marc Reiser. Sans preuve confondante, sans mobile particulier, l'homme avait été acquitté au terme de son procès en 2001, au désespoir des proches de la jeune femme. Alors que ce vendredi marque les 36 ans de la disparition de la représentante commerciale, ses proches espèrent que cette réouverture leur permettra d'obtenir des réponses.
"Pour la famille, c'est un soulagement et une satisfaction immense, elle espère avec impatience qu'un renvoi devant une cour d'assises soit prononcé à l'encontre de Jean-Marc Reiser", a témoigné en juillet Me Thierry Moser, avocat des parties civiles, auprès de BFMTV.com.
Une disparition "troublante"
Le 8 septembre 1987, Françoise Hohmann, 23 ans, débute sa journée de travail. Représentante pour la marque Electrolux, elle fait du porte-à-porte dans des immeubles alsaciens pour vendre des aspirateurs. En fin de journée, après avoir commencé par les étages supérieurs, elle toque à une porte située au rez-de-chaussée. Un homme, Jean-Marc Reiser, lui ouvre.
Par la suite, personne ne la verra sortir de cet immeuble. Pas même l'amie avec qui elle devait aller boire un verre, et qui l'a attendue devant le bâtiment pendant quelques minutes avant de s'impatienter et partir, non sans avoir aperçu la voiture de Françoise toujours garée sur le parking, raconte Me Valérie Gletty, qui a défendu les parents de la jeune femme lors du procès en 2001.
"Elle se serait donc désintégrée entre le couloir du rez-de-chaussée et sa voiture. C'est extrêmement troublant", souligne l'avocate.
La voiture, elle, sera finalement découverte trois jours plus tard dans le quartier de la gare, à Strasbourg.
Un procès "laconique" avec peu de débats
Les soupçons des enquêteurs se portent assez rapidement sur la dernière personne à avoir vu Françoise Hohmann vivante. Pourtant, les preuves matérielles contre Jean-Marc Reiser sont minces, voire inexistantes. Car à l'époque, la police dispose de moyens beaucoup moins développés que ceux qui existent aujourd'hui dans le cadre d'une enquête, notamment pour faire des prélèvements ou étudier la téléphonie.
"Il y avait des éléments, mais seulement des éléments de logique pure. Et le problème, c'est que quand elle a disparu, Jean-Marc Reiser avait un casier judiciaire vierge. Il était difficile de comprendre pourquoi, d'un coup, il était devenu un prédateur, comment il a pu réussir à tuer et à se débarrasser du corps", se souvient Me Valérie Gletty.
Estimant avoir malgré tout un faisceau d'indices, au terme d'une instruction entrecoupée d'interruptions, la justice renvoie tout de même Jean-Marc Reiser devant les assises en 2001. Mais là encore, l'audience patine et se heurte au manque de preuves.
"Son acte de défense, c'était de dire 'je n'ai rien fait'. C'était laconique, il n'y avait aucun débat", se rappelle Valérie Gletty.
Pourtant, Jean-Marc Reiser a minutieusement préparé sa défense. "Il était très impliqué et contestait sa culpabilité avec véhémence. On avait épluché une à une les pièces du dossier", expliquait l'an dernier Me Eric Braun, qui l'a défendu aux côtés de Me Jocelyne Klopfenstein.
Des ressemblances étranges entre les deux dossiers
D'autant qu'un épisode va jouer en faveur de la défense: l'audition du petit ami de la jeune femme qui livre alors un témoignage agressif, emprunt de stress. "Même s'il avait un alibi, les jurés ont pu se dire que c'était lui qui avait fait le coup", déplore Valérie Gletty, qui explique que Françoise Hohmann avait été infidèle. "Eric Braun a vraiment insisté sur le doute, qui doit profiter à l'accusé. Et c'est vrai, il y avait un doute", reconnaît-elle encore.
Sans grande surprise, les jurés ne mettront pas longtemps à délibérer. À peine deux heures après s'être retirés, ils prononcent l'acquittement. Un verdict "douloureux" pour la famille de Françoise Hohmann. "Ils avaient un sentiment profond d'injustice et d'incompétence."
Aujourd'hui, si un deuxième procès semble possible, c'est parce que Jean-Marc Reiser, toujours présumé innocent, est renvoyé non pas pour "meurtre", mais pour "séquestration" ou "détention arbitraire". Des faits pour lesquels il encourt une peine plus légère et plus symbolique, étant donné qu'il a déjà été condamné pour le meurtre de Sophie Le Tan en juin dernier en appel, avant de se pourvoir en Cassation.
Ce sont d'ailleurs les ressemblances troublantes des deux dossiers qui ont relancé les doutes autour de l'affaire Hohmann, il y a cinq ans. À la recherche d'un appartement, Sophie Le Tan s'est rendue en septembre 2018 en banlieue de Strasbourg, répondant à une annonce postée par Jean-Marc Reiser sur Le Bon Coin. Au terme d'une instruction éprouvante, ce dernier avait fini par avouer son meurtre.
"Deux jeunes filles qui sonnent à sa porte et n'en ressortent jamais vivantes... Quand on connaît les tenants et les aboutissants de l'affaire Le Tan, cela apporte un nouvel éclairage sur le dossier Hohmann. Tout le monde s'est dit qu'il avait bénéficié d'une erreur judiciaire en sa faveur", souligne Me Valérie Gletty. Et l'avocate de dresser un triste constat: "Si Jean-Marc Reiser avait été condamné en 2001, Sophie Le Tan aurait pu avoir la vie sauve."