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Bébés congelés: comment les psys essaient d'expliquer ce passage à l'acte

Nouveau-né (image d'illustration)

Nouveau-né (image d'illustration) - AFP

Des histoires tragiques avec des bébés congelés reviennent régulièrement dans les faits divers racontant des affaires d'infanticides. Marc Ferrero, psychologue spécialisé dans les questions liées à l'enfant, explique la psychologie des parents pour RMC Crime.

Deux nouveaux bébés viennent d'être découverts dans un congélateur à Bédoin, dans le Vaucluse, jeudi dernier. Une femme de 41 ans, mère de trois enfants, a été interpellée sur place et écrouée, vendredi. D'après les dernières informations transmises par la procureure d'Avignon, "les deux enfants étaient viables (...), ce n'était pas des enfants morts-nés".

Cette affaire rappelle l'affaire Courjault, dite des bébés congelés, survenue en juillet 2006. Un phénomène qui s'est répété en mars 2015 après la découverte de cinq autres nouveau-nés dans un congélateur, en Gironde. Pour comprendre le processus psychologique des parents qui tuent et congèlent le corps de leurs bébés, RMC Crime a interrogé Marc Ferrero, psychologue spécialisé sur les maltraitances infligées à l'enfant.

Pour lui, ce phénomène n'est pas nouveau, le seul élément qui l'est, est le congélateur. "Le congélateur est la rançon de la civilisation moderne. De tout temps, ce phénomène a existé, seulement avant, ces mères plaçaient le bébé qu'elle ne voulait pas dans les auges des cochons pour qu'ils les mangent", explique-t-il.

"Elle peuvent ouvrir le congélateur et le voir"

En congelant leur bébé, ces mères souhaiteraient garder un lien avec lui, selon le spécialiste. "L'hypothèse que l'on peut faire, c'est qu'en congelant un nourrisson, les mères peuvent le garder en l'état. Selon le psychologue, elles peuvent ainsi continuer à penser à lui, sans qu'il ne disparaisse complètement.

"A chaque fois qu'elles le veulent, elles peuvent ouvrir le congélateur et le voir. Comme si elles allaient sur la tombe sauf que là, il est bien présent".

Marc Ferrero explique qu'il s'agit également d'une manière pour la mère de gérer sa culpabilité. En conservant le corps de leur enfant mort, elle garde la trace de leur crime pour la justice, afin d'être inconsciemment punie pour l'acte qu'elle a commis.

"Tout ça est de l'ordre de la symbolique", comme il le précise.

"Ce sont des femmes qui sont isolées"

Il n'y a pas de profil type de la mère qui congèle son bébé. Cela peut toucher tous les âges et tous les milieux sociaux. "L'instinct maternel, dont on nous parle beaucoup, a parfois quelques ratés", confie Marc Ferrero. Mais, selon le psychologue, cela reflète généralement une grande solitude. "Ce sont des femmes qui sont isolées psychiquement, socialement et intellectuellement.

"Elles n'ont pas d'issues de secours et ne peuvent en parler à personne. C'est le lot commun de ces femmes".

Dans la grande majorité des cas, cela se produit après un déni de grossesse. "C'est leur inconscient qui leur joue des tours, elles ne peuvent pas admettre qu'elles sont enceintes et personne ne se rend compte de leur grossesse", selon Marc Ferrero. Il ajoute que dans certains cas, les femmes ne se sentent bien qu'enceinte, mais à l'arrivée du bébé, "la réalité de l'enfant devient insupportable et elles veulent le faire disparaître".

Pourtant, ces mères peuvent avoir d'autres enfants et être de bonnes mères pour eux. "Parfois, l'enfant n'est pas désiré, ou il est issu d'une relation adultérine. Mais ce n'est pas parce qu'elles ont congelé leur bébé une fois, qu'elles ne peuvent pas élever un autre enfant avec amour", conclut Marc Ferrero.

Alix Mancel