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Correspondant pénitentiaire: pour lutter contre l'isolement, ils écrivent à des prisonniers

Ecrire une lettre à son correspondant (image d'illustration)

Ecrire une lettre à son correspondant (image d'illustration) - Shutterstock

Depuis cinq ans, Marie Hardouin passe son temps libre à écrire des lettres à des prisonniers. Elle raconte pour RMC Crime ce rôle si particulier de correspondante pénitentiaire.

“Correspondre avec des personnes incarcérées, c’est lutter contre la solitude”. Voilà comment Marie Hardouin, administratrice à l’association “Le Courrier de Bovet”, définit son rôle de correspondante pénitentiaire qu’elle pratique depuis cinq ans. Si cette activité s’est présentée à elle comme une évidence, elle a rapidement été rattrapée par la réalité. “C’est assez difficile au début, on se rend compte de la misère des prisons, des conditions de vie assez inhumaines dans lesquelles ils vivent”, confie-t-elle pour RMC Crime.

Ses proches n’ont pas été surpris d’apprendre qu’elle se lançait dans cette démarche.

“J’ai décidé de faire ça parce que j’aime écrire, j’ai de l’empathie pour ces personnes. Je me dis aussi que j’ai eu une belle vie et que j’aimerais redonner ce que j’ai reçu”, explique Marie.

Elle a donc intégré l’association qui met en lien des détenus avec des bénévoles. En temps normal, chaque bénévole correspond avec un détenu. Mais, Marie, elle, en a deux car il y a une pénurie d’adhérent depuis la pandémie du Covid.

“On est là pour les sortir de leur quotidien”

L’association “Le Courrier de Bovet”, créée en 1950, met en lien 699 détenus avec l’extérieur. Parmi eux, seulement 41 sont des femmes. Pour intégrer ce programme, des formulaires sont mis à disposition dans les prisons pour que les personnes incarcérées puissent être mises en relation avec un correspondant.

Ensuite, les membres de l’association cherchent l’adhérent qui peut correspondre au détenu, en tenant compte de l’âge, pour une question d’entente générationnelle, et des centres d’intérêts, pour avoir des choses à partager. “En tant qu’adhérent, c’est à nous de nous adapter à notre correspondant, pas l’inverse”, explique Marie. La langue peut aussi être un critère quand ils reçoivent des lettres de détenus du couloir de la mort, aux Etats-Unis.

Du côté des bénévoles, un simple entretien est organisé pour estimer si les intentions de la personne sont saines. Quand ils sont mis en relation avec un détenu, les adhérents ne connaissent pas le motif de son incarcération.

“Nous, notre rôle ce n’est pas d’être policier, ni juge. On est là pour faire un lien avec l’extérieur, pour avoir un échange amical, pour les sortir de leur quotidien”.

Pour protéger l’identité des bénévoles, ils possèdent tous un pseudo. Les détenus envoient alors leurs lettres à l’adresse de l’association qui se charge de les redistribuer aux adhérents concernés.

“Je leur parle comme s’ils étaient dehors”

Pour l’administratrice, la correspondance n’est pas si facile. “Les premières fois, on se retrouve devant sa feuille blanche à se demander ce qu’on va bien pouvoir raconter à quelqu’un qu’on ne connaît pas”. L’autre difficulté est de savoir communiquer avec son correspondant.

“J’ai un correspondant très cultivé à qui j’envoie des articles du Monde, et l’autre l’est beaucoup moins, donc ça passe parfois par des petits dessins”, explique-t-elle.

De leur côté, les détenus se confient rarement sur leurs conditions de détention. Ce qu’ils veulent, c’est sortir de leur univers carcéral. “Je leur parle comme s’ils étaient dehors”. Parce que pour les prisonniers, ces lettres sont comme une bouffée d’air frais: “Ils le disent tous, quand ils reçoivent un courrier, c’est la journée, voir la semaine, qui est embellie”, confie Marie.

“On est là pour leur apporter un peu de baume au coeur et les soutenir dans les périodes difficiles comme au moment de leur jugement”.

“Il y a quelque chose de plus”

Ce lien, qui se crée à travers les murs des prisons, est très singulier. “Ce ne sont pas des amis, mais je peux dire qu’il y a quelque chose en plus. J’attends la lettre de mon correspondant comme j’attendais celle de mes copains quand j’étais en colonie de vacances”, confie Marie Hardouin. Certains bénévoles vont même plus loin.

“Certains me rapportent que les correspondants qu’ils ont sont les plus belles personnes qu’ils aient rencontré de leur vie”.

Mais la charte est claire, les bénévoles n’ont pas le droit de rencontrer les détenus et d’aller les voir aux parloirs, jusqu’au moment de leur sortie. Une fois dehors, les prisonniers sont libres de choisir de rencontrer, ou non, leurs correspondants. “Généralement, le lien se coupe à leur sortie de prison, car on leur rappelle trop cette période de détention qu’ils veulent oublier”, conclut Marie.

Découvrez une lettre que Marie Hardouin a adressée à l'un de ses correspondants:

Lettre de Marie Hardouin
Lettre de Marie Hardouin © Le Courrier de Bovet
Alix Mancel