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Affaires françaises

"On n'a toujours pas trouvé de parade": le téléphone portable en prison, entre règles et réalité

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Kenzo Tribouillard / AFP

Si les téléphones sont strictement interdits en prison, il arrive très souvent que les détenus parviennent à s'en procurer. Un problème que l'administration pénitentiaire a du mal à endiguer.

"Ça fait 24 ans que je suis dans la pénitentiaire, et ça fait 24 ans qu'il y a des soucis avec ça." À entendre Wilfried Fonck, la circulation des téléphones portables en prison est un problème vieux comme le monde. Du moins, aussi vieux que leur mise sur le marché en France dans les années 1990.

"C'est un problème pour lequel l'administration pénitentiaire n'a toujours pas réussi à trouver de parade", poursuit le secrétaire national de l'Ufap-Unsa Justice auprès de RMC Crime.

Car si les téléphones portables sont strictement interdits entre les mains des détenus, le fait que beaucoup parviennent à s'en procurer à l'insu des surveillants n'est depuis longtemps plus un secret.

Considérée comme du recel, la possession de l'un de ces appareils est punie comme une infraction pénale. Les prisonniers concernés s'exposent au maximum à cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende. Cependant, explique Wilfried Fonck, ils sont le plus souvent simplement placés à l'isolement pendant quelques jours en guise de sanction.

"Demain, ils arriveront directement aux fenêtres"

Difficile de chiffrer précisément le nombre de saisies de téléphones portables chaque année. Mais, à titre d'exemple, entre 50 et 100 appareils sont interceptés tous les mois dans la prison de Fleury-Mérogis, estime le secrétaire du syndicat.

Pourtant, la majorité passe encore entre les mailles du filet, souvent apportés par des personnes extérieures à l'établissement, lors de visites au parloir. Depuis la loi pénitentiaire adoptée en 2009, les surveillants pénitentiaires n'ont plus l'autorisation de mener des fouilles systématiques à l'issue de ces entrevues, sauf s'ils soupçonnent le détenu d'avoir un téléphone en sa possession.

"Ça offre des opportunités pour faire entrer toutes sortes d'objets, dont des téléphones. Mais comment justifier une suspicion? C'est un peu compliqué", commente Wilfried Fonck.

Autre subterfuge souvent utilisé par les connaissances des détenus: le survol de drones et le parachutage de colis au-dessus des cours de prisons. "Demain, ils arriveront directement aux fenêtres. C'est devenu un sport, et là, les capacités d'intervention sont très limitées."

L'efficacité des brouillages en question

Ces dernières années, l'administration pénitentiaire a tenté de mettre en place des solutions pour tenter de réguler l'utilisation des téléphones portables dans les geôles françaises. Un système de brouillage du réseau a été expérimenté, mais s'est finalement avéré trop compliqué à appliquer dans un établissement sans toucher les résidences voisines de la prison.

Face aux plaintes des riverains, les prestataires augmentent la puissance de leur réseau, réduisant l'efficacité des brouilleurs de la prison. "Ça pose aussi des problèmes dans le fonctionnement de la prison elle-même, puisque les agents ne peuvent plus communiquer entre eux", ajoute Wilfried Fonck.

Même constat pour l'installation de téléphones fixes en cellule, à l'essai dans plusieurs centres pénitentiaires français: "Ça ne changera rien, puisque les appels sont contrôlés par l'administration pénitentiaire."

Au nom de son syndicat, le secrétaire national se dit "confronté à un paradoxe": celui de vouloir lutter contre les téléphones portables, sans en avoir les moyens. "On regarde tous (les surveillants comme les législateurs) dans la même direction, en cherchant comment arrêter ce problème-là. Mais force est de constater que les téléphones continuent à rentrer quand même."

Elisa Fernandez