Codétenu de soutien, ces prisonniers qui aident à prévenir le suicide en prison

Prison française (image d'illustration) - AFP
Ce mercredi après-midi, un homme âgé de 47 ans s'est suicidé dans sa cellule de la maison d'arrêt de Montbéliard, comme le rapporte L'Est Républicain. La veille, il avait été condamné à trois ans de réclusion criminelle après avoir été reconnu coupable de violences intrafamiliales. L'homme a déjà été condamné à 13 reprises pour des faits similaires, cette nouvelle condamnation aurait été celle de trop pour lui.
"L'interdiction de voir ses enfants et sa femme, c'était très dur à vivre pour lui", a confié son avocat.
En 2021, on dénombrait 122 suicides dans les prisons françaises, ce qui représente un mort tous les trois jours. En moyenne, le nombre de suicide depuis 25 ans reste stable et tourne autour des 110 à 120 suicides par an, comme le rapporte l'Observatoire des Disparités dans la Justice Pénale. Anxiété, addictions, dépression, plus de deux tiers des personnes incarcérées souffrent de troubles mentaux qui peuvent conduire au suicide, comme le révèle l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Des chiffres qui ont poussé l'administration pénitentiaire à réfléchir à des solutions pour prévenir les suicides en détention. La mise en place de ce qu'on appelle "un codétenu de soutien" est notamment un levier créé pour lutter contre ce fléau et baisser le taux de mortalité en prison.
Un soutien entre détenus
On appelle un codétenu de soutien, un détenu qui se porte volontaire pour "écouter et repérer les détenus en situation de difficulté et de souffrance", comme le rapporte l'Observatoire International des prisons. Mise en place en 2010 par le ministère de la Justice, cette mesure est actuellement utilisée dans une quinzaine de prisons, cette mesure devrait bientôt être obligatoire dans toutes les maisons d'arrêt de plus de 600 places.
Pour devenir codétenu de soutien, les détenus sont généralement recrutés par la direction pénitentiaire qui estime s'ils sont suffisamment stables pour porter cette responsabilité. Ensuite, ils doivent assister à une formation organisée en partenariat avec la Croix-Rouge française qui dure quatre jours. Ils sont notamment formés aux gestes de premiers secours, à la détection des tentatives suicidaires et à la manière d'intervenir.
Ceux qui disposent du rôle de codétenu de soutien peuvent ensuite être sollicités par l'administration pénitentiaire ou par les détenus eux-mêmes qui doivent se sentir libres de pouvoir se confier auprès d'eux. Ça peut aussi venir d'eux-mêmes s'ils sentent qu'un détenu présente un risque de passage à l'acte.
"Lorsque le codétenu repère, identifie et/ou redoute un risque de passage à l'acte imminent, son rôle consiste à signaler le cas aux services de santé qui assureront la prise en charge", explique la Croix-Rouge française.
Un rôle qui donne un but pendant la détention
Si ces détenus se portent volontaires pour aider leurs semblables, c'est avant tout pour donner un sens à leur incarcération.
"Elle contribue à favoriser la réinsertion, et à (re)trouver une meilleure estime de soi", affirme la Croix-Rouge française.
En soutien psychologique pour ses pairs, le codétenu de soutien a également la possibilité d'accueillir, si cela lui semble nécessaire, un détenu en situation de détresse dans sa cellule.
"Il peut, s'il le souhaite, accueillir de façon temporaire un détenu ayant besoin d'une présence rassurante", explique l'Observatoire international des prisons.
Mais pour les protéger, l'administration pénitentiaire exige qu'ils ne substituent pas le personnel sanitaire pénitentiaire. Ce qui n'est pas toujours le cas, selon l'OIP, critique sur le dispositif, qui évoque une "fausse bonne idée".
"Dès lors que la personne présente un risque de passage à l'acte suicidaire, le codétenu de soutien ne peut avoir la responsabilité de veiller sur elle. Dans ce cas, c'est à l'unité sanitaire qu'il revient de prendre en charge la personne", détaille l’Observatoire international des prisons. Mais en pratique, c'est parfois plus difficile. Un transfert de responsabilité peut avoir lieu. L'OIP cite le cas d'un codétenu de soutien dont l'intervention devait durer deux jours. Au final, la personne est restée sept mois avec lui dans sa cellule.