RMC Crime
Affaires françaises

RETOUR SUR. Comment le journaliste Thibaut Solano s'est mis sur les traces du "Petit Grégory"

L'affaire Grégory Villemin n'est toujours pas résolue, le mystère reste entier

L'affaire Grégory Villemin n'est toujours pas résolue, le mystère reste entier - Capture écran BFMTV

Rédacteur en chef chargé du web pour le magazine Marianne, Thibaut Solano a suivi l'affaire dite du "Petit Grégory". Pour RMC Crime, le journaliste revient sur l'une des affaires les plus marquantes de sa carrière.

"Unique". C'est ainsi que le journaliste Thibaut Solano décrit l'affaire Grégory Villemin, dites du "Petit Grégory", sur laquelle il a beaucoup travaillé. "Je ne connais pas une autre affaire où un enfant est tué pour se venger de ses parents", juge celui qui est aujourd'hui rédacteur en chef web pour le magazine Marianne. "Je ne connais pas d’autres affaires, où à chaque fois que l’on aborde une hypothèse, on se heurte à un mur", poursuit-il.

Lorsque l'histoire éclate en 1984, Thibaut Solano est très jeune, mais il grandit avec les nombreux rebondissements que connaît l'affaire. Pourtant, il suit de loin les avancements de l'enquête. Ce n'est qu'en 2015, que le journaliste est vraiment plongé dans ce dossier.

Après la sortie de son premier ouvrage sur les Disparues de la gare de Perpignan, il se lance sur un second livre autour de l'affaire de Grégory Villemin. "A l'époque, dix-sept livres étaient parus dessus. Alors, il fallait trouver un angle original. Je me suis intéressé à tout ce qui s’était passé avant l’assassinat de cet enfant, notamment au harcèlement de cette famille par un mystérieux corbeau, mais aussi à leur histoire personnelle", explique-t-il.

L'AFFAIRE GREGORY VILLEMIN

L'AFFAIRE GREGORY VILLEMIN

VOIR

Pour le besoin de son livre, le journaliste se plonge dans le dossier. Rapidement, il se prend de passion pour cette affaire non résolue à ce jour: "Les suspects se comptent sur les doigts d'une seule main. Pourtant, on a toujours pas de certitudes sur l'auteur de ce crime. Quel que soit le scénario abordé pour comprendre les événements du 16 octobre 1984, c'est toujours l'impasse."

Un contexte politique et historique

Le contexte historique de l'époque intéresse aussi Thibaut Solano. La famille Villemin habite dans les Vosges, dans un territoire industriel, et évolue dans un milieu ouvrier: "Tout le monde rencontre sa femme jeune, se marie, travaille au même âge, fait des enfants, construit sa maison. La vie est déjà réglée, et sans possibilité de pouvoir dévier de sa trajectoire", analyse le journaliste.

Pourtant, Jean-Marie Villemin souhaite casser ce schéma classique imposé par l'époque. L'homme décide de s'extraire de sa condition sociale. Il ne veut pas simplement être ouvrier, mais aspire à être chef. Ce dernier travaille beaucoup et déménage un peu plus loin de ses proches. "Les parents de Grégory avaient même pensé à l'appeler Mickaël, ça sonne moins comme un prénom traditionnel, mais un peu plus américain." C'est à partir de ce moment-là que la famille commence à se faire persécuter par un mystérieux corbeau. "Le passé essaye d’engloutir ce père de famille tourné vers l’avenir. Finalement, cette revanche sociale très politique se greffe sur l’affaire criminelle", raconte Thibaut Solano.

Des ratés judiciaires et médiatiques

Même s'il existe trois cents cold cases en France, l'affaire Grégory Villemin reste unique et le mystère continue de perdurer. Cette histoire est pour Thibaut Solano une des plus grandes affaires criminelles françaises de ces quarante dernières années. "C'est rarissime qu'un enfant soit tué parce que l'on voulait se venger des parents."

Pour ce journaliste, cette affaire est aussi entourée de ratés judiciaires et médiatiques. A l'époque, le juge en charge du dossier s'est "complètement égaré" et a fini par mettre fin à ses jours. Quant aux journalistes, ils "ont outrepassé leur rôle", ce dernier dénonce un déchaînement médiatique à l'encontre de Christine Villemin. "Ils ont piétiné la présomption d’innocence en la jetant en pâture à l’opinion publique. Je la crois innocente, et la justice a aussi été dans ce sens-là."

Le tueur ne serait pas un inconnu

Quand Thibaut Solano commence à écrire son livre sur l'affaire Grégory Villemin, le journaliste se confronte à un dossier judiciaire colossal. A l'époque, il vit à Clermont-Ferrand. Dans son appartement, les murs de la chambre d'ami sont recouverts de post-it. "Je notais tous les protagonistes du dossier, et les scènes marquantes à classer chronologiquement. Cela m'aidait à me retrouver dans l'histoire." Ce dernier passe ses soirées entières, ses week-ends, et une partie de ses vacances dans cette pièce. Même s'il consacre beaucoup de temps dessus, cela ne l'empêche pas de dormir. "Quand on écrit un livre, on est forcément dans l'obsession, mais ça prend fin un jour."

Son livre La Voix rauque est publié en 2018. Thibaut Solano l'a construit comme un journal de bord dans le huis clos de la famille Villemin. Le journaliste retrace la chronologie du harcèlement par le corbeau qui débute en 1981, et se poursuit à la mort de l'enfant en 1984.

Plus de 38 ans après le meurtre de Grégory Villemin, Thibaut Solano est persuadé que le tueur n'est pas un individu qui sortirait de nulle part. Le journaliste en est convaincu: "Son nom est forcément dans le dossier judiciaire".

Marine Lemesle