RETOUR SUR. Il y a 30 ans, Jean-Claude Romand tuait sa femme, ses enfants et ses parents

Jean-Claude Romand en 1996. - Philippe DESMAZES / AFP
"Je n'ai pas su parler", admettait Jean-Claude Romand lors de son procès, en 1996. De son silence a découlé l'un des faits divers les plus marquants de ces dernières décennies: faute de pouvoir dire la vérité à sa famille après lui avoir menti pendant 18 ans, le faux médecin décidait, il y a 30 ans jour pour jour, d'assassiner son épouse, ses deux enfants et ses propres parents dans l'Ain.
Il s'était forgé l'image d'un éminent médecin. Pourtant, alors qu'il est étudiant en médecine, Jean-Claude Romand rate l'examen de fin de deuxième année. La "peur de décevoir" le conduit alors à cacher cet échec à ses parents. C'est le début d'un mensonge qui le poussera à commettre l'irréparable.
Car Romand ne s'arrête pas là. Il se bâtit une carrière avec laquelle impressionner son entourage: alors qu'il n'a aucun diplôme, il devient la fierté de la famille, se dit médecin, chercheur reconnu à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui prodigue son savoir à des étudiants de l'université et qui connaît bien Bernard Kouchner.
Malgré tout, ses proches décrivent un homme humble. "Il n'était pas frimeur. Il ne se vantait pas, ne se mettait pas en avant", décrivait Jean-Noël Crolet, son beau-frère, en 2006 dans "Faites entrer l'accusé". Aux yeux des siens, Jean-Claude Romand est un homme discret et brillant, dont les journées sont remplies de séminaires à l'international et de cours à l'université.
Une escroquerie monumentale
Il n'en est en fait rien: si Jean-Claude Romand interdit à son épouse de l'appeler lorsqu'il se trouve au bureau, ce n'est pas qu'il a peur d'être dérangé, mais seulement qu'il n'a pas de bureau où être contacté.
En vérité, lorsqu'il passe le pas de la porte le matin, l'homme fait quelques kilomètres en voiture, part se balader en forêt ou reste dans son véhicule pendant de longues heures avant de rentrer chez lui, le soir.
Pour que le système fonctionne parfaitement, le faux médecin parvient à escroquer son père et des amis en les convainquant de lui confier leur argent, pour qu'il le fasse fructifier sur des comptes en Suisse. En réalité, les sommes qu'il récupère vont sur un compte à son nom. Pendant l'instruction, les enquêteurs parviennent à calculer que Romand a dépensé plus de 60.000 francs par mois, soit 9150 euros, pendant plusieurs années, comme le mentionne Franceinfo.
Des doutes dans l'entourage
C'est avec ce schéma bien rodé que Jean-Claude Romand trompe tout son entourage, femme et enfants compris, pendant 18 ans. Mais le mécanisme finit par rouiller lorsque certaines personnes s'inquiètent du devenir de leurs économies: la maîtresse du faux médecin, pour qui il a placé une certaine somme, lui demande finalement de récupérer son argent, en 1992.
À la fin de la même année, l'épouse de Romand commence elle aussi à se poser des questions: une amie dont le mari travaille à l'OMS mentionne un arbre de Noël sur leur lieu de travail. Or, son époux n'a jamais proposé d'y emmener ses enfants. Plus alarmant encore, la mère du faux médecin vient de recevoir un avis de découvert de plusieurs dizaines de milliers de francs de la part de sa banque.
Au coeur des soupçons, Jean-Claude Romand planifie la seule sortie de crise possible à ses yeux. Une semaine avant le quintuple meurtre, il part acheter des cartouches de carabine et un silencieux, ainsi que des barbituriques et des bidons d'essence.
Quintuple meurtre
Le 9 janvier 1993 au matin, le faux médecin de 38 ans se saisit d'un rouleau à pâtisserie avec lequel il tue son épouse Florence, dont il place le corps dans le lit conjugal. Il assoit ensuite ses deux enfants, Antoine et Caroline, sur le canapé du salon, regarde un temps Les trois petits cochons, assis entre les deux.
"Je savais, après avoir tué Florence, que j'allais tuer aussi Antoine et Caroline et que ce moment, devant la télévision, était le dernier que nous passions ensemble. Je les ai câlinés", dira-t-il lors de son procès.
Il demande à sa fille de monter dans sa chambre afin qu'il prenne sa température, prétextant la trouver un peu chaude. Là, il dit à la fillette de s'allonger sur le dos, place un coussin sur sa tête et tire à la carabine. Il procède de la même manière avec Antoine, et remonte la couette sur le corps de ses enfants.
Ce triple meurtre ne met pas pour autant fin à sa folie criminelle: il part ensuite en voiture jusqu'au domicile de ses parents, à 60 kilomètres de là dans le Jura, et leur tire dessus avec la même carabine. Il tentera également de tuer sa maîtresse avant d'avoir finalement pitié d'elle. Il la ramène chez elle et lui demande de ne rien dire.
"J"ai tué tous ceux que j'aime, mais je suis enfin moi"
Le reste de la journée, Romand le passe chez lui, devant la télévision. Le soir, il finit par asperger d'essence la maison et les cadavre, avale un barbiturique, met le feu au domicile puis s'allonge à côté de son épouse.
En arrivant, les pompiers le trouvent inconscient et le conduisent à l'hôpital. Une fois sorti du coma, il prend conscience "que ce n'était pas comme d'habitude, que ce n'était pas un mensonge, qu’[il] avait vraiment tué", comme le relate Le Monde.
Son procès s'ouvre en juin 1996. La presse et le public se précipitent aux assises de l'Ain pour découvrir le visage du faux médecin et tenter de percer à jour sa réelle identité.
"J'ai tué tous ceux que j'aime, mais je suis enfin moi", lance-t-il à la barre à cette occasion.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans, Jean-Claude Romand a finalement obtenu sa libération pour bonne conduite en juin 2019. Depuis, il semble qu'il vit dans une abbaye dans l'Indre, sous liberté conditionnelle.