Tuerie de Chevaline: 10 ans après, des mystères planent toujours
Une tuerie qui n’a pas encore révélé tous ses mystères. Il y a dix ans, le 5 septembre 2012, une famille anglaise d’origine irakienne et un cycliste français ont été retrouvés morts sur un parking de Chevaline, en Haute-Savoie. Au total, quatre personnes ont été tuées par balle. Seules les deux petites filles de la famille anglaise ont survécu.
Malgré des années d’enquête pour tenter de retrouver l’auteur de cette tuerie, celle-ci n’a pas abouti. Pourtant, pendant dix ans, des pistes sérieuses sont venues rythmer les recherches.
Retour sur ces zones d’ombres qui ont semé le trouble pendant l’enquête.
Une brouille familiale
Saad Al-Hilli, le père de famille tué dans la tuerie de Chevaline, avait un frère, Zaïd. Les deux hommes s’étaient disputés et ne se parlaient plus depuis un an. Pour comprendre ce qu’il était arrivé à cette famille, les enquêteurs avaient rapidement perquisitionné leur domicile. C’est là qu’ils ont mis la main sur des documents faisant état de l’héritage de leur père, décédé un an plus tôt. Les enquêteurs se souviennent être déjà intervenus à cette adresse, onze mois avant le drame. Ils avaient été appelés pour une bagarre entre les deux frères. Si celle-ci avait semblé anodine, elle prend une toute nouvelle dimension après la mort de Saad.
Les enquêteurs avaient donc interrogé les proches de la famille anglaise pour tenter d’en savoir un peu plus sur la querelle qui opposait les deux frères. Tous sont unanimes pour dire que Zaïd et Saad ne se parlaient plus à cause de la succession de leur père. Ce dernier avait un patrimoine important. Parmi les biens que les deux frères devaient se partager, il y avait un appartement en Espagne estimé à 100.000 euros ou encore la somme de 940.000 euros sur un compte en Suisse, la maison où vivaient Saad et ses enfants, et une autre maison située à Londres.
Un héritage en jeu
Le père des deux frères avait également des comptes cachés dans des paradis fiscaux, sur les îles de Jersey et Guernesey. D’après les informations révélées par Society, Zaïd aurait essayé de récupérer la plupart de cet héritage. Il aurait notamment rédigé un nouveau testament et se serait inscrit comme unique bénéficiaire de la fortune de son père. C’est en apprenant ça que Saad aurait décidé de couper les liens avec son frère.
En avril 2013, le magazine relate que l’avocate mandatée pour régler les conflits d’héritage entre Saad et Zaïd a déclaré aux enquêteurs qu’elle était persuadée que Zaïd avait organisé le meurtre de son frère. Ils se rendent également compte qu’il avait créé une fausse carte bancaire pour récupérer l’argent du compte suisse. Les enquêteurs comprennent que Saad se rendait justement à Genève pour récupérer l’argent de son père quand il a été tué. A la suite de ces découvertes, son frère est placé en garde à vue le 24 juin 2013. Mais rien ne permettra de l'inculper. Il sera finalement libéré et cette piste sera refermée.
Un détenu soupçonné
En octobre 2012, un détenu fait des révélations au juge d’instruction chargé de l’enquête. Il révèle qu’un certain Nabaz S. aurait demandé à un détenu de la prison de Maubeuge de tuer un “irakien” contre la somme de 100.000 euros. Le fameux Nabaz est en cavale au moment de ces déclarations. Les enquêteurs apprennent qu’il a été mis en examen pour tentative d’assassinat. Nabaz est finalement retrouvé en Suisse et extradé vers la France. Leurs investigations permettent d’établir un lien entre cet homme et un homme irakien, prénommé Luqman M.
Les gendarmes pensent qu’il pourrait être à l’origine de cette demande, mais l’homme est retourné dans son pays d’origine et il est impossible pour les enquêteurs d'obtenir un retour de la justice irakienne. Aujourd’hui encore, rien n’a permis de vérifier cette piste.
La piste du légionnaire
Sans piste probante, les enquêteurs décident de s’intéresser à l’arme qui a servi à tuer le cycliste français et la famille irakienne. Ils s’intéressent donc aux détenteurs d’armes dans la région de Chevaline. Un nom attire alors leur attention. Il s’agit de Patrice Menegaldo, un ancien soldat de la Légion étrangère. L’homme habitait près de la scène de crime et possédait quelques armes chez lui.
Il est interrogé par les gendarmes, puis libéré. Selon le quotidien régional Le Dauphiné Libéré, il est finalement retrouvé mort chez lui, quelques mois plus tard. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’un suicide. Dans une lettre laissée à sa famille, Patrice Menegaldo écrit “mon geste n’est pas un aveu”.
L’autre vie de la mère de famille irakienne
Iqbal, la femme de Saad, victime elle aussi de la tuerie de Chevaline, va ouvrir une nouvelle piste pour les enquêteurs. En 2014, un article du Daily Mail révèle qu’elle a eu une autre vie avant d’épouser Saad Al-Hilli, en 2003. Le journal britannique explique qu’Iqbal a été mariée à un Américain pendant deux ans, et a vécu avec lui en Louisiane. Les proches de la famille Al-Hilli tombent des nues en apprenant cette information. Personne ne connaissait cette partie de la vie de la mère de famille.
Une commission rogatoire internationale est demandée pour auditionner son ancien mari, James Dudley Thompson. Mais contre toute attente, les enquêteurs apprennent que l’homme avec qui Iqbal est restée mariée de 1999 à 2003 est mort le même jour de la tuerie de Chevaline.
Les gendarmes s’intéressent à la vie de cet homme et interrogent sa sœur, Judith. Selon l’enquête de Society, elle raconte qu’un jour Iqbal, qui se faisait appeler Kelly aux Etats-Unis, lui a annoncé, en pleurs, qu’elle avait deux semaines pour partir, “qu’ils” lui avaient demandé de rentrer. Ne comprenant pas à qui elle faisait référence avec ce “ils”, elle interrogea son frère qui lui aurait dit qu’elle “comprendra plus tard”.
C’est la dernière fois qu’elle l’a vu. Si elle n’a pas demandé d’autopsie après la mort de son frère, elle regrette désormais cette décision. Aujourd’hui, elle est persuadée que son frère a été empoisonné. Elle raconte également que le contenu de l’ordinateur de son frère a été supprimé au lendemain de sa mort. La sœur de James se serait également entretenue avec un homme qui lui a révélé qu’Iqbal était impliquée dans un réseau d’extorsion, qu’elle mettait des gens riches sous sédatifs pour leur soutirer des informations sur leurs comptes bancaires. Elle est persuadée que cet homme dit la vérité et que son frère et son ancienne belle-soeur ont été tués à cause de ça. Elle a transmis ces informations à la police anglaise, mais rien n’a pour l’instant permis de vérifier ces révélations.