50 ans plus tard, l'énigme des disparus de Boutiers reste entière

La famille Méchinaud avant sa disparition - AFP
C'est un cas unique dans l'histoire judiciaire française. Dans la nuit du réveillon de Noël 1972, Jacques Méchinaud, 31 ans, sa femme Pierrette, 29 ans, et leurs deux fils Éric et Bruno, âgés de sept et quatre ans, disparaissent sans laisser aucune trace. Cinquante ans plus tard, le mystère reste entier.
Le 24 décembre, la petite famille passe les fêtes chez des amis à Cognac, en Charente. Vers une heure du matin, le père de famille décide qu’il est l’heure de rentrer et toute la famille monte dans la voiture, une Simca 1100, pour rejoindre leur domicile situé à Boutiers-Saint-Trojan, à quelques kilomètres de là. C'est la dernière fois qu’ils seront vus.
Quand Jacques doit commencer sa journée de travail à l'usine verrière de Saint-Gobain, il ne se présentera jamais à son poste. Les enfants non plus ne se présenteront pas à l’école et les voisins s'inquiètent de ne voir aucune activité dans la maison familiale.

Les recherches n’ont rien donné
Le 6 janvier 1973, les parents du couple préviennent la gendarmerie de leur disparition. Une enquête est alors ouverte pour tenter de retrouver la famille Méchinaud. Leur maison est fouillée à la recherche d’un indice, mais rien ne semble anormal: des cadeaux se trouvent sous le sapin de Noël, les victuailles pour leur repas de fête sont encore dans le réfrigérateur. Les enquêteurs découvrent également que la famille est partie sans leurs papiers d’identité, leur livret de famille ou encore leur chéquier.
Dès le 10 janvier 1973, les gendarmes redoublent d’efforts pour retrouver la trace de la famille Méchinaud. La région est survolée par un hélicoptère et les points d’eau sont sondés. Malgré les avis de recherches lancés à cette époque, rien ne permettra de comprendre ce qu’il s’est passé dans la nuit du réveillon de Noël 1972. L'enquête piétine.

Le 18 janvier 1973, premier rebondissement: le journal Sud-Ouest rapporte que Pierrette, la mère de famille, avait un amant dans le village. Selon le média local, elle avait même l’intention de divorcer peu de temps avant sa disparition. Il s’agit de Maurice Blanchon, un ancien ouvrier viticole. Mais cette piste n’est pas privilégiée par les enquêteurs.
Les enquêteurs ne baissent pas les bras dans ce dossier
Depuis la disparition de cette famille, le dossier n’a pas été refermé et les enquêteurs comparent l’ADN des disparus avec chaque ossement retrouvé dans la région. En 2012, notamment, des os humains sont retrouvés dans un bois à 22 kilomètres de Boutiers-Saint-Trojan, par un cueilleur de champignons. Mais les recoupements ne permettront pas d’identifier les disparus.
En juillet 2020, nouvelle tentative: les investigations s'orientent vers l'amant de Pierrette, aujourd'hui âgé de 77 ans. L’homme est interrogé et son domicile perquisitionné à la recherche d’indices. Selon le média local Charente Libre, les enquêteurs étaient à la recherche d’une lettre qu’il aurait reçu de Pierrette, ce qui a étonné le septuagénaire: "Depuis 48 ans, je dis la même chose, je ne sais rien des circonstances de leur disparition et croyez-moi j’aurais bien aimé savoir. Cette histoire m’a beaucoup affecté", affirme Maurice Blanchon au quotidien régional.
Pour sa part, l'homme est persuadé que la famille a quitté la France pour l'Australie. Il jure avoir donné cette information à la gendarmerie dès le début de l’enquête, et regrette que les enquêteurs n’aient pas exploré sérieusement cette piste.
"Lui, voulait partir en Australie [...] Elle n'en avait pas du tout envie", martèle ainsi Maurice Blanchon à qui l'interroge, dans des propos rapportés à Marianne. "Il a dû préparer son coup et partir dans la nuit, pour être sûr que si Pierrette voulait rester et crier, personne ne donnerait l’alerte", croit-il savoir.
Le pôle judiciaire des "cold-cases" reprend le dossier
Enlèvement, disparition volontaire, suicide collectif ou meurtre? Aujourd’hui encore, cette affaire reste un mystère. Mais en mai 2022, le pôle judiciaire "cold cases" de Nanterre a décidé de relancer plusieurs affaires criminelles, dont celle de la famille Méchinaud. Les enquêteurs vont désormais tout reprendre depuis le début, en espérant découvrir un détail qui était jusque-là passé inaperçu.