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Corps sans tête de l'Esteron: un fromager acquitté et un mystère qui reste entier

Le fromager Michel Pinneteau au tribunal de Nice en 2002.

Le fromager Michel Pinneteau au tribunal de Nice en 2002. - PASCAL GUYOT / AFP

Un fromager, Michel Pinneteau, avait été accusé de les avoir tués, il y a 24 ans. Mais faute d'éléments probants, il avait été acquitté lors de son procès en appel en 2006.

Qui a commis le triple assassinat de l'Esteron, en 1999? Alors que l'affaire a maintenant 24 ans samedi, on ne connaît toujours pas l'identité du meurtrier. Deux suspects, un fromager et son épouse, ont bien été interpellés et jugés pour les faits, avant d'être acquittés en appel, faute de preuves suffisantes.

Tout se noue le 18 mars 1999. Ce jour-là, sur un chemin du massif de l'Esteron reliant les villages de Toudon et de Vescous dans l'arrière-pays niçois, un cantonnier est intrigué par une forte odeur. Celle-ci provient d'un ravin: en y regardant de plus près, l'homme aperçoit des sacs plastique.

À l'intérieur, les gendarmes retrouveront des morceaux de corps humains. Il semblerait qu'ils appartiennent à deux hommes et une femme, mais en l'absence de têtes, de pieds et de mains, impossible de les identifier clairement.

De grands noms du banditisme

L'autopsie permettra de confirmer le sexe des trois victimes, dont les corps ont été découpés à l'aide d'une scie ou d'une hache. Sur l'un des deux hommes, on retrouve également une balle logée dans l'épaule.

Il faudra attendre cinq mois avant de pouvoir mettre un nom sur les cadavres. Étonnée de ne plus avoir de nouvelles de son frère Jean-Pierre Calligaris, une femme signale sa disparition. Comme le racontait Libération à l'époque, l'homme est un voyou connu pour avoir tué son patron un an plus tôt. Il avait décidé de s'installer à Antibes, sur la Côte d'Azur, afin de changer de vie et se faire oublier.

Grâce à ce signalement, les enquêteurs font d'abord le lien avec l'une des victimes, et les deux dernières ne tarderont pas à être identifiée: le second homme s'appelle Francis Ben Mokhtar, trafiquant de stupéfiants réputé qui se vantait régulièrement d'avoir plusieurs millions de francs en sa possession. L'ultime victime se trouve être la compagne d'origine italienne de ce dernier, Theresa Conte, âgée de 53 ans.

Sur les traces d'un fromager suspect

En se mettant sur les traces d'un suspect, les enquêteurs commencent à s'intéresser à Michel Pinneteau. Cet ancien facteur reconverti en fromager et installé à Antibes a fréquenté, quelques années plus tôt, Francis Ben Mokhtar. Plus encore, les deux amis ont trempé ensemble dans une affaire de trafic de stupéfiants, des faits pour lesquels ils avaient été condamnés en 1980.

Coïncidence ou non, le soir du 27 février 1999, Michel Pinneteau et son épouse Joëlle invitent Francis, Jean-Pierre et Theresa à dîner chez eux. Après ce soir-là, les trois convives ne donnent plus aucune nouvelle, et l'on retrouve précisément dans leur organisme les aliments qu'ils ont mangé lors de ce qui semble avoir été leur dernier repas.

Pour conforter les enquêteurs dans leurs soupçons, le fromager est parti en voyage juste après la triple disparition pour placer de l'argent, environ 3 millions de francs, dans des banques étrangères.

Sur la base de ces éléments, Michel Pinneteau est mis en examen pour le triple assassinat tandis que sa femme est soupçonnée de vol à main armée. Se fiant à ces quelques indices et à leur intuition, les policiers estiment que le fromager, avec le soutien de son épouse, a tué ses invités afin de récupérer le magot que Francis Ben Mokhtar affirmait détenir.

Des aveux, puis une rétractation

Pendant l'instruction, il niera avant de déclarer avoir assisté à l'exécution par deux personnes au visage encagoulé qui leur auraient tendu un guet-apens. Selon ses propos, il aurait ensuite été obligé de les aider à démembrer les trois victimes, rappelait Le Monde à l'ouverture du procès. Mais il finit par se rétracter, affirmant avoir pris peur au moment où les soupçons se sont portés sur lui.

Lors du procès en première instance du couple, en 2002 à Nice, la corpulence de Michel Pinneteau se retrouve au cœur des débats. Comment un homme si petit et plutôt frêle aurait-il pu tuer, démembrer et transporter les cadavres de trois personnes, sans recevoir aucune aide?

Malgré ce doute fondamental, le fromager écope de 30 ans de réclusion criminelle au terme de l'audience. Défendu par Eric Dupond-Moretti en appel, l'accent a été mis sur les grandes lacunes de l'enquête et du dossier d'instruction, menant à son acquittement en 2006. Et laissant sans réponse un triple assassinat.

Elisa Fernandez