"Ils sont morts sans avoir de réponse": depuis 1986, le meurtre de Laurent Bureau n'a pas été résolu

Francis Heaulme en 1994. - Jean-Philippe KSIAZEK / AFP
C'est un dossier qui n'a pas dévoilé tous ses secrets. Trente-sept ans plus tard, le meurtre violent de Laurent Bureau, jeune militaire tué à Périgueux en Dordogne en 1986, n'a jamais été résolu. Si un procès s'est tenu 11 ans plus tard, les deux coaccusés - le bien connu Francis Heaulme et Didier Gentil - ont finalement été acquittés à cause de failles dans l'enquête, laissant démunie la famille de la victime.
Le 8 mai 1986, Laurent Bureau rejoint à pied la caserne au sein de laquelle il est militaire, à Périgueux. Comme le relate Sud-Ouest, le jeune homme de 18 ans décide de faire un crochet par le gymnase du lycée de la ville où devait se tenir une compétition spotrive. Lorsqu'il arrive, cependant, il découvre que l'événement a été annulé.
Encore aujourd'hui, la suite de sa soirée demeure floue. Ce que l'on sait, c'est que Laurent Bureau a fait une mauvaise rencontre dans ce gymnase, puisque son corps dénudé y sera retrouvé le lendemain, dissimulé entre deux tapis et gisant dans une mare de sang.
Deux grands noms du crime se mêlent à l'enquête
En arrivant sur place, les enquêteurs découvrent que le jeune militaire a été ligoté et frappé à de nombreuses reprises, comme en attestent les multiples traces de coups retrouvées sur son corps. De nombreux marginaux sont alors entendus dans l'enquête.
Parmi les suspects envisagés figure également un camarade de régiment de Laurent Bureau, un certain Didier Gentil. Mais l'homme est finalement relâché. Deux ans s'écoulent avant que son nom ne ressurgisse à nouveau dans une affaire qui l'a fait connaître du grand public: l'enlèvement et le meurtre de la petite Céline Jourdan, dans les Alpes-de-Haute-Provence, en 1988.
Alors qu'il est incarcéré pour ce meurtre, un autre détenu bien connu du public fait reparler du dossier Laurent Bureau. Depuis sa prison, Francis Heaulme, déclare savoir qui a tué le jeune militaire et pointe du doigt Didier Gentil.
Celui qu'on a surnommé le "routard du crime" affirme avoir été présent lors des faits sans y avoir pris part, déclarant avoir assisté à une dispute des deux militaires sur fond d'argent. Malgré tout, les deux grands noms du crime seront renvoyés ensemble devant la cour d'assises de Dordogne pour répondre du meurtre de Laurent Bureau, en 1997.
"Je n'ai pas tué le jeune Laurent"
Le procès des deux malfrats s'ouvre en octobre 1997 dans une ambiance très tendue. "C'est la seule fois dans ma carrière que j'ai vu des jurés devoir être séparés à l'annonce du verdict. Il y avait une tension dingue à cette audience!", se souvient auprès de RMC Crime Me Corinne Herrmann, qui a assisté au procès en tant que collaboratrice de l'avocat de Francis Heaulme à l'époque.
Si le procès se déroule dans le chaos, c'est notamment parce que les coaccusés ne cessent de se renvoyer la balle. "J'ai pas décédé monsieur Laurent Bureau", déclarera Francis Heaulme, comme le relataient à l'époque nos confrères de Libération.
"Je n'ai pas tué le jeune Laurent. Je vous le jure très sincèrement", prononce de son côté Didier Gentil en se tournant vers les parties civiles.
Acquittés au terme d'un procès tendu
Même si le procureur requiert 30 ans de réclusion pour ce dernier et 20 ans pour le "routard du crime", les jurés se trouvent dans l'incapacité d'établir précisément ce qu'il s'est passé dans la soirée du 8 mai 1986. Les deux criminels sont finalement acquittés.
Démunis, les parents de Laurent Bureau tenteront par la suite de demander à ce que l'instruction reprenne afin de connaître les circonstances de la mort de leur fils. À une époque où Internet n'existe pas, ils parviennent à recueillir 10.000 signatures. "Énorme", selon Corinne Herrmann, mais pas assez pour convaincre la justice de se pencher à nouveau sur le dossier.
Depuis, "ses parents sont morts sans avoir de réponse", regrette l'avocate.
C'est d'ailleurs après cette affaire que Corinne Herrmann a décidé de changer de cap en prenant la défense des familles de victimes. Aujourd'hui, elle se bat pour que des dossiers tels que celui de Laurent Bureau ne restent pas sans réponse. "Il doit y avoir des juges spécialisés pour reprendre ces dossiers", plaide-t-elle.