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Vingt-trois ans après la disparition de Suzanne Viguier, le mystère reste entier

Suzanne Viguier a disparu en février 2000, dans la banlieue toulousaine.

Suzanne Viguier a disparu en février 2000, dans la banlieue toulousaine. - COR / AFP

Son mari, Jacques Viguier, a longtemps été soupçonné de l'avoir assassinée avant d'être acquitté.

Qu'est-il advenu de Suzanne Viguier? C'est une question que les proches et les enquêteurs se posent depuis maintenant 23 ans. En février 2000, la professeure de danse, épouse de l'éminent professeur de droit Jacques Viguier, disparaît sans laisser de trace en banlieue de Toulouse.

Son mari, de qui elle comptait divorcer à ce moment-là, est rapidement suspecté. Deux procès et deux acquittements plus tard, impossible cependant de dire qui est responsable de la disparition de Suzanne Viguier, une affaire française emblématique dans laquelle on ne dispose ni de corps, ni d'aveux.

Le 26 février 2000 au soir, elle passe la soirée chez son amant, Olivier Durandet, avec qui elle joue au tarot. Ce dernier la reconduit chez elle aux alentours de 4 heures du matin. Le lendemain, Jacques Viguier, qui a reçu pour consigne de laisser dormir sa femme, part rejoindre ses enfants chez son père. Ce n'est qu'à leur retour qu'il découvre que son épouse s'est volatilisée.

D'étonnantes découvertes au domicile du couple

Jacques Viguier, coutumier des absences de Suzanne en cette période de tensions dans leur couple, attendra plusieurs jours avant de signaler la disparition. Une enquête est finalement ouverte par les autorités, qui se mettent en quête de la mère de famille.

Les découvertes qu'ils font au domicile des Viguier les mettront immédiatement sur la piste du mari coupable: le sac de la disparue est resté dans la maison, des microtâches de sang sont retrouvées dans la salle de bains et le matelas du clic-clac sur lequel dormait Suzanne Viguier depuis qu'elle faisait chambre à part a disparu.

En mai, Jacques Viguier est placé sous mandat de dépôt, soupçonné d'avoir assassiné sa femme. À ce moment-là, "il est un peu comme un animal pris dans une souricière", commente aujourd'hui Me Georges Catala, qui l'a défendu lors de son premier procès, au micro de RTL.

"Lorsque l'on va entendre Jacques Viguier, tant la police que le juge d'instruction, on va être arc bouté sur un a priori terrible, c'est que c'est lui et personne d'autre. Or, quand on regarde le dossier, il est vide", poursuit l'avocat.

"Je suis innocent!"

Alors qu'il est placé en détention, une reconstitution est organisée au mois de novembre. Amené sur les lieux par des policiers, il crie à l'adresse des journalistes présents qu'il n'a rien fait.

"Je suis innocent, innocent, innocent! Voilà ce que je suis!", lance le professeur, comme le laisse entendre une archive utilisée dans l'épisode d'Affaires sensibles consacrée à l'affaire.

Il finira par être libéré quelques mois plus tard. Aux médias, il ne cessera de répéter qu'il "ne sait pas" où est passée son épouse.

Acquitté à deux reprises

Le procès de Jacques Viguier s'ouvre devant la cour d'assises de Haute-Garonne en avril 2009. Dans l'enceinte du tribunal, on décortique le passé du professeur, ses relations adultères avec des étudiantes. On s'attarde surtout sur le fameux matelas disparu. Interrogé à ce sujet, l'accusé admet l'avoir jeté, déclarant qu'il symbolisait pour lui la relation extraconjugale de son épouse.

Face à l'absence de preuve écrasante, il sera finalement acquitté par les jurés de la cour d'assises. Pourtant, le parquet général décide de faire appel. Un nouveau procès s'ouvre, cette fois en 2010. Les sœurs de la disparue, elles, sont toujours convaincues de la culpabilité de leur beau-frère.

Pourtant, le bénéfice du doute profite encore une fois à l'accusé: Jacques Viguier, défendu par Eric Dupond-Moretti, est aussi acquitté en deuxième instance. "Ça n'est pas une victoire de la défense, mais une victoire de la justice, et c'est vraiment la moindre des choses", lancera l'avocat aux médias, après l'annonce du verdict.

Une affaire emblématique

Vingt-trois ans plus tard, personne ne sait où est passée Suzanne Viguier. Après son acquittement définitif, son époux a écrit un livre dans lequel il revient sur son combat judiciaire et sa lente reconstruction, en juin 2010: Innocent, dix ans de souffrances et de combat.

L'affaire, marquante, a également inspiré plusieurs réalisateurs, notamment Antoine Raimbault, qui a mis en scène dans Une intime conviction en 2017 Marina Foïs et Olivier Gourmet d'une femme et d'un avocat convaincus de l'innocence du professeur de droit.

Elisa Fernandez