Le combat d'une mère, innocentée, pour récupérer sa fille après un double parricide

Une salle d'audience du tribunal de Mont-de-Marsan, dans les Landes (illustration). - Jean-Pierre Muller - AFP
À qui reviendra la garde de la fille de Kévin Rouxel? Alors que l'homme a été reconnu coupable du meurtre de ses parents en février 2016 dans un village des Hautes-Pyrénées, la justice doit se prononcer mercredi pour savoir si son ex-compagne, Sofiya Bodnarchuk, longtemps soupçonnée de complicité avant d'être acquittée en appel, peut récupérer leur enfant aujourd'hui âgée de 9 ans, rapporte Sud-Ouest, ce que RMC Crime a pu confirmer.
Selon l'avocat de la mère, Me Edouard Martial, sa cliente "a été acquittée donc retrouve tous ses droits, dont son droit parental".
Pas si simple, pourtant, de trancher sur cette épineuse question. Le 20 février 2016, lors du repas d'anniversaire durant lequel le drame survient, à La Bastide-Clairence, la petite fille assiste à l'âge de 2 ans au meurtre de ses grands-parents par son propre père, sur fond de convoitises autour de l'héritage.
En se penchant sur cette famille, les enquêteurs finissent par également soupçonner la compagne de Kévin Rouxel d'avoir fomenté avec lui l'assassinat de ses parents. Le couple est mis en examen et placé en détention provisoire, et le juge pour enfants décide de confier leur fille chez la sœur de l'une des victimes, à savoir la tante du principal suspect.
Élevée par la tante de son père
La fillette grandit avec ces proches qui nourrissent une certaine rancœur à l'égard de Sofiya Bodnarchuk. Sa tante qui, selon les dires de Me Edouard Martial, multipliait les courriers auprès du procureur pour accabler la suspecte, ira jusqu'à se constituer partie civile au procès.
Aujourd'hui, si elle a été acquittée en appel, le lien entre Sofiya Bodnarchuk et sa fille semble totalement rompu. Lors de leurs dernières entrevues, l'enfant aurait fait comprendre de manière franche qu'elle ne souhaitait pas revoir sa mère, ni vivre à nouveau sous son toit.
D'après l'avocat de la défense, la parole de la petite fille a été "viciée" par ceux qui l'ont élevée dans l'idée que sa mère avait poussé son père à commettre le double parricide. "Il y a là un conflit d'intérêts susceptible de polluer la parole de l'enfant", affirme-t-il, contacté ce lundi.
"Elle s'est construite avec une mère en prison"
Pour appuyer ses propos, l'avocat cite notamment un rapport de l'Action éducative en milieu ouvert (Aemo) daté de 2020, dans lequel les travailleurs sociaux estiment que la petite fille semble s'être appropriée les éléments de langage de ceux auprès de qui elle a grandi, déclarant pouvoir pardonner à son père, mais pas à sa mère.
"Elle disait avoir été témoin de la préméditation du crime... alors qu'elle n'avait que 2 ans", ajoute Me Edouard Martial.
Contacté également, l'avocat de la fillette n'a pas souhaité répondre à nos questions. Cependant, il déclarait il y a quelques mois auprès de Sud-Ouest que s'il était d'accord avec la nécessité de rétablir un lien entre la mère et la fille, il ne fallait pas pour autant brusquer les choses.
"Elle s’est construite avec une mère en prison et d’un seul coup, on lui dit qu’elle n’est plus coupable. C’est difficile à expliquer à une enfant. (...) Il faut y aller crescendo. Le plus souvent, cela passe par un droit de visite, il s’élargit, puis on passe à une ou deux nuitées par semaine", a déclaré Me Michel Cocoynacq.