Reconstitution judiciaire: comment ça marche?

Cédric Jubillar est soupçonné d'avoir tué sa compagne Delphine Jubillar - BFMTV
Avec ce transport sur les lieux des faits, c'est une étape judiciaire de plus dans l'affaire Delphine Jubillar. A Cagnac-les-Mines (Tarn), c'était un moment très attendu du côté des parties civiles car, depuis deux ans, aucun élément précis n'a permis de retrouver le corps de cette mère de famille. Cédric Jubillar, son mari, est mis en examen depuis le mois de juin 2021 pour homicide conjugal.
Si juridiquement il ne s'agit pas formellement d'une "reconstitution", il s'agit pour la justice d'essayer d'avancer et d'obtenir davantage d'informations. Le but était de revenir en détail sur le déroulement de la soirée en fonction des déclarations de Cédric Jubillar. Les différentes parties étaient invitées à se rassembler au domicile du couple, placé sous scellé depuis décembre 2020.
Une opération toujours délicate à mettre en place et qui a pour but de révéler des nouvelles informations, comme la juge d'instruction interrogée par RMC Crime l'explique.
"On ne peut jamais faire pareil que les faits eux-mêmes, mais on essaye de s'en rapprocher le plus possible", explique-t-elle.
La dernière étape d'une instruction
Véritable chef d'orchestre d'une reconstitution, le juge d'instruction en fait généralement la demande et l'organise. "On réserve ces reconstitutions aux affaires criminelles lourdes". C'est une étape importante dans l'instruction qui n'est pas si simple à diriger.
"Elle peut durer entre 4 et 24 heures, car s'il y a cinq ou six versions différentes, nous devons toutes les vérifier", affirme la juge d'instruction.
En général, cet acte arrive à la fin de l'instruction, après que tous les éléments et les témoignages des intervenants ont été récupérés. Le but est de remettre les versions données par le mis en examen dans les lieux pour tester leur faisabilité.
"Parfois, on a des versions où quand on arrive sur place, on se rend compte que c'est impossible parce que les éléments matériels ne le permettent pas", explique la magistrate.
Mais pour que la reconstitution judiciaire soit la plus représentative possible, certaines conditions doivent être respectées.
"Il faut penser à tout"
Cette étape demande beaucoup d'organisation parce qu'il faut convoquer tous les acteurs impliqués dans l'affaire.
"Il faut aussi tous les experts, notamment l'expert légiste pour savoir si les coups décrits par le mis en examen peuvent être compatibles avec les traces relevées lors de l'autopsie".
Généralement, cela nécessite au minimum un mois pour mettre en place une reconstitution. "C'est très lourd, il faut penser à tout. Par exemple, si on a besoin d'un bus, il va falloir en amener un sur place", confie la juge d'instruction. En plus, cette étape doit se rapprocher le plus possible des faits. Il est donc important qu'elle soit réalisée dans les mêmes conditions, à la même heure, la même saison, le même éclairage public, ou encore les mêmes conditions météorologiques.
"On essaye de se rapprocher le plus possible de la réalité, mais en vérité, on n'arrive jamais à revenir exactement dans l'état dans lequel était la scène de départ". avoue-t-elle.
La reconstitution judiciaire connaît donc certaines limites et ne permet évidemment pas de tout résoudre. "On ne peut pas reconstituer une chute dans la Seine ou du 12e étage d'un immeuble, par exemple, car c'est trop dangereux. Le plus souvent, on utilise un logiciel pour reconstituer la scène en 3D", explique la juge d'instruction. Malgré tous ces efforts et ces moyens mis en place, la reconstitution judiciaire ne mène pas toujours à la vérité. "Je pense que dans 50% des cas, on apprend quelque chose qu'on n'avait pas perçu avant".