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Affaires criminelles

L'avocate Frédérique Pons revient sur sa plaidoirie lors du procès de Guy Georges

RMC Crime revient sur les grandes plaidoiries prononcées par des avocates aux assises. C'est au tour de Me Frédérique Pons de se remémorer l'une des plus marquantes de sa carrière, celle prononcée lors du procès de Guy Georges. Aux côtés d'Alex Ursulet, elle représentait les intérêts de l'accusé.

"Je me levais pour défendre l'indéfendable. Dans ma plaidoirie, je voulais expliquer que personne ne naît psychopathe, mais qu'on le devient." C'est l'une des phrases retentissantes prononcées par Me Frédérique Pons, en se rémémorant sa plaidoirie lors du procès de Guy Georges, surnommé le "tueur de l'est parisien".

L'homme aurait sévi à Paris dans les années 1990. Pendant plusieurs années, il passe entre les mailles de la police. Jusqu'au 24 mars 1998: ce jour-là, l'ADN retrouvé sur plusieurs scènes de crimes matche à celui de Guy Georges. Deux jours plus tard, il est arrêté dans un Monoprix.

Quand son procès débute, le 19 mars 2001, il est déjà assisté depuis longtemps par Alex Ursulet, l'ex-mari de Frédérique Pons. L'avocat demande à son ancienne compagne de l'assister devant la Cour d'assises de Paris, où Guy Georges est poursuivi pour les meurtres de sept femmes et trois autres agressions. C'est à ce moment-là que Frédérique Pons se retrouve sur le devant de la scène médiatique.

Au départ, les deux avocats visent l'acquittement

La première rencontre entre Guy Georges et l'avocate se fait au parloir de la prison. Elle le trouve "direct", "calme", voire même "sympathique". Avant l'audience, leur client clame son innocence. Pour ses avocats aussi, quelques éléments ne concordent pas, et ne désignent pas leur client comme l'auteur des sept assassinats et trois viols dont il est accusé: "Le portrait-robot ne lui ressemble pas, et il n'a pas le pied égyptien", affirme-t-elle.

La ligne de défense d'Alex Ursulet et Frédérique Pons est simple: ils plaident l'acquittement. Mais rien ne se passe comme prévu. Me Solange Doumic, représentante de la famille de Pascale Escarfail, tuée en 1991 à Paris, pousse Guy Georges dans ses retranchements. L'avocate lui demande s'il est droitier ou gaucher. L'accusé n'a pas besoin de parler, son geste parle de lui-même.

"Il a levé la main comme pour poignarder quelqu'un", se souvient Frédérique Pons. "La salle est sidérée. Je me tourne vers lui, et lui demande ce qu'il a voulu dire."

À ce moment-là, Me Frédérique Pons n'a qu'une seule idée en tête. Il faut qu'il explique son geste. Mais Guy Georges reste muré dans le silence. C'est un tournant dans le procès.

Les assises, "c'est comme une traversée en mer"

Les deux avocats doivent revoir leur ligne de défense. Ils ne peuvent plus plaider l'acquittement. Alors, ils reviennent sur la vie de Guy Georges, afin que les jurés puissent avoir tous les éléments en main avant de prendre leur décision.

"Une affaire d'assises, c’est comme une traversée en mer", explique Frédérique Pons. "Au départ, vous connaissez la force du vent, vous avez un objectif. Et d'un coup, tout peut basculer. Guy Georges fait ce geste. Cette action se révèle être un aveu plus fort que tout. Là, la seule chose à faire, c’est essayer de l’aider à passer ce cap."

Guy Georges ne veut plus répondre. Ses défenseurs arrivent à le calmer, et le convainquent de répondre aux questions d'Alex Ursulet. Sa carapace se fend, il finit par avouer les meurtres. Malgré ses aveux, il est inenvisageable pour Frédérique Pons de ne plus le représenter: elle l'accompagnera jusqu'au bout.

Les deux avocats se partagent la plaidoirie. Alex Ursulet était le premier sur le dossier, c'est lui qui conclura. Frédérique Pons prendra la parole en premier. Les deux ont l'habitude de plaider ensemble, le travail se fait donc de façon fluide, assurent l'avocate, qui présente la plaidoirie comme un moment d'éclairage pour la Cour d'assises: "Juger c’est comprendre, donc cette prise de parole est une aide à la compréhension."

"Je me lève pour défendre l'indéfendable"

Pour cette ténor du barreau, écrire en avance sa plaidoirie reste mission impossible. Frédérique Pons peut noter une introduction, ou une chute, mais c'est tout. Comme à chaque veille de plaidoirie, l'avocate ne dort pas bien. Mais, c'est aussi pour elle "la fin d’un combat" Au moment de prendre la parole, elle ressent un certain "stress".

"Quand on se lève pour plaider, la robe nous donne de la force", assure-t-elle. "Je me lève pour défendre l'indéfendable."

Me Frédérique Pons ne perd pas son objectif. Elle s'appuie sur les réquisitions et les expertises psychiatriques. Si elle sait qu'elle ne peut pas éviter à son client la peine maximale, elle veut attirer l'attention des jurés sur le fait "qu'on ne naît pas psychopathe, mais qu'on le devient".

Une fois sa partie terminée, c'est au tour d'Alex Ursulet de prendre la parole. Clap de fin. À l'issue de trois semaines de procès, Guy Georges est condamné à la prison à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.

Marine Lemesle