"Montrer sa vraie personnalité": Me Caty Richard revient sur sa plaidoirie lors du procès de Jonathann Daval

Me Caty Richard, lors du procès de l'affaire Jonathann Daval, le 19 novembre 2020 - Sébastien Bozon - AFP
Pour Me Caty Richard, une plaidoirie, c'est le point d'orgue qui marque la fin d'une tragédie humaine et judiciaire. Un moment clé, décisif. Pour RMC Crime, elle a accepté de revenir sur celle qu'elle a prononcée lors du procès de l'affaire Daval.
"Je voulais dévoiler la vraie personnalité de Jonathann Daval. Cet homme vit dans le mensonge, il mène une double vie, une double vie avec lui-même", se souvient l'avocate qui défendait quatre membres de la famille d'Alexia Daval, née Fouillot, lors du procès qui s'est déroulé en novembre 2020.
Au moment de prononcer sa plaidoirie, celle qui est considérée comme un ténor du barreau veut permettre à ceux qui l'écoutent de comprendre et d'avoir un éclairage sur une vérité. Me Caty Richard met au défi ceux qui connaissent l'histoire, de trouver un seul élément qu’elle a évoqué, contraire au dossier: "Je le connais parfaitement, et j'ai la conscience tranquille", tient-elle à préciser.
"Tu es tout tout sauf le fils idéal, le mari idéal et le gendre idéal"
Contactée très peu de temps avant l’audience, cette avocate enfile sa robe pour représenter les intérêts de plusieurs membres de la famille d’Alexia Fouillot. Les journalistes - dont RMC et BFMTV - suivent assidûment ce feuilleton, mais décortiquent aussi la personnalité de l'accusé sous toutes ses coutures. Lorsque Me Caty Richard prend connaissance du dossier, elle juge que l'image de l'accusé véhiculée par les médias n'est pas juste. Après avoir passé des heures à lire et se préparer, elle le voit pour la première fois à l’audience. Quand elle lui pose des questions, il reste fuyant et adopte l’attitude du veuf éploré. Mais derrière son comportement se cache en lui "une vraie force, une puissance de dissimulation, et surtout une lâcheté absolue", raconte-elle aujourd'hui.
Pour Me Richard, tout l'enjeu du procès est de déconstruire l'image que se donne Jonathann Daval. Pendant des années, sa femme était mariée "à un véritable inconnu, et qui jouait un véritable personnage".
"Je voulais montrer sa vraie personnalité à la cour. Et lui jeter à sa face 'On t’a percé à jour… Admets que tu n'es pas celui que tu prétends être depuis des années. Tu es tout tout sauf le fils idéal, le mari idéal et le gendre idéal'."
Sa plaidoirie dans l’affaire Daval reste assez particulière. Plusieurs avocats plaident dans ce dossier. Me Caty Richard ne veut pas marcher sur les plates-bandes de ses confrères de la partie civile. Elle adopte aussi une certaine forme de retenue.
Puis vient le moment fatidique de plaider, ce sera sa dernière prise de parole devant la cour d’assises. La préparer ne se fait pas à la dernière minute, mais bien tout au long du procès. Son sujet? Elle le connaît. Mieux. Elle le "possède parfaitement": "Il faut être tout le temps présent à l’audience. Sans oublier de se montrer attentif à tout ce qui se dit. C’est indispensable."
Une de ses seules plaidoiries écrites
L'avocate rédige rarement ses plaidoiries, confie-telle. Elle l'a fait pour le procès des attentats de Charlie Hebdo. Mais aussi pour le procès de Jonathann Daval. Feuille et stylo en main, Me Caty Richard rédige sa plaidoirie finale.
L'avocate reprend toutes ses notes prises durant le procès. Elle utilise les éléments de l’affaire qui lui semble importants. Pour se repérer dans le dossier, elle utilise des codes couleurs: "Je suis connue pour avoir tous mes stabilo devant moi quand je plaide”, dit-elle en souriant. Cette technique lui permet d’isoler chaque protagoniste que ce soit pour l’accusé, les témoins ou encore les parties civiles. Petit à petit, la plaidoirie commence à prendre forme.
La veille de la plaidoirie, Me Caty Richard étale tous les documents dans sa chambre d’hôtel. L’avocate travaille jusqu’à ce que ses yeux n’en puissent plus. Ses heures de sommeil se comptent sur les doigts d’une main. Réveillée avant l’aube, elle termine de peaufiner les derniers détails. Puis, vient le moment de se rendre au tribunal pour plaider. Même après 30 ans de carrière, c'est toujours un moment qui lui procure un sentiment de stress.
"Je me souviens de mes premières plaidoiries aux assises. Mon coeur battait tellement fort que je regardais ma robe. Je pensais que ça se voyait. Aujourd'hui, je ne le fais plus, mais j’ai toujours le cœur qui bat fort."
Au moment de plaider, elle est la seule à prendre la parole. Malgré tout, elle a l’impression d’avoir une discussion avec les jurés. Jamais elle ne reste devant le micro, mais bien au plus près des jurés. Pourtant, à l'automne 2020, le Covid-19 fait toujours rage et la crise sanitaire impose de nouvelles règles. Entourée de vitres en plexiglass, l'avocate se retrouve à être derrière la barre: "J'étais enfermée pour plaider, c'était assez particulier."
Défendre la mémoire d'Alexia Fouillot
Redoutable, Me Caty Richard veut marquer les esprits des jurés. Son objectif est de leur montrer qui était Alexia Fouillot, bien au-delà des photos: "Elle aurait souhaité que ceux qui vont le juger sachent... tout. C’est ça le but que je me suis donnée." L'avocate veut aussi déconstruire le portrait dépeint par Jonathann Daval de sa femme. Il l'a décrite comme "une femme autoritaire, hystérique, et lui, se pose en victime". Intolérable pour Me Richard:
"Je ressentais le besoin de la défendre de ses accusations. Elle n’était pas du tout ce qu’il voulait faire croire, et le dossier l'a aussi démontré."
Prendre la parole à cet instant est une lourde responsabilité. Quand elle finit de plaider, l'avocate veut que ses clients se disent qu’elle n’a rien oublié de dire. Cette dernière ne veut surtout pas rajouter de la souffrance à la souffrance: "Tu sais que tu portes la vie de tes clients. Tu portes ce dont ils vont se souvenir toute leur vie, ce qui va les aider à vivre, mais aussi à comprendre ou à accepter la décision. Et ça, c’est une putain de responsabilité."
Au terme de six jours de procès, le verdict est tombé le 21 novembre 2020 pour l'accusé Jonathann Daval. La cour d'assises de la Haute-Saône, à Vesoul, l'a condamné pour le meurtre de son épouse Alexia Fouillot à 25 ans de prison. Il n'a pas fait appel.
Vous pouvez retrouver en intégralité toute la plaidoirie de Caty Richard, avocate de quatre membres de la famille Fouillot dans l'affaire Daval.