Me Caroline Rémond revient sur sa plaidoirie lors du procès de Nordahl Lelandais

RMC Crime revient sur les grandes plaidoiries prononcées par des avocates lors des procès d'assises. C'est au tour de Me Caroline Rémond de se remémorer l'une de ses plaidoiries les plus marquantes de sa carrière, celle prononcée lors du procès de Nordahl Lelandais. Dans cette affaire, l'avocate représente les deux petites cousines de l'accusé.

"Vous êtes un pédophile. Vous êtes un pédocriminel. Vous avez cherché une proie tel un prédateur. Vous avez volé l'innocence de ces petites filles". C’est l'une des phrases marquantes prononcées par Me Caroline Rémond lors de sa plaidoirie pendant le procès de Nordahl Lelandais.

AFFAIRE MAËLYS: ITINERAIRE D'UN PREDATEUR

VOIR

Caroline Rémond s’est retrouvée au cœur d’un des procès les plus médiatisés de cette année. L’avocate a défendu les intérêts des deux petites cousines de Nordahl Lelandais et de leurs parents. Elle a eu connaissance de ce dossier grâce à l’association "L’enfant bleu'', dont elle fait partie en tant que bénévole. Cette structure défend les droits des enfants avec pour objectif de lutter contre toutes les formes de maltraitances psychologiques, physiques ou sexuelles.

Nordahl Lelandais, l'arrogant et le manipulateur

Le procès de Nordalh Lelandais débute le 31 janvier devant la cour d'assises de l'Isère, à Grenoble. Il est accusé de l’enlèvement et du meurtre de Maëlys de Araujo, mais aussi d’avoir agressé sexuellement ses deux petites-cousines. Lorsque Me Caroline Rémond le voit, elle le décrit comme un accusé qui présente bien dans le box. Rapidement, l'homme adopte un comportement arrogant à l’égard de la cour, mais aussi envers les familles des victimes: "Il pense avoir une supériorité et essaye de nous manipuler, y compris les juges. Mais il n’a pas réussi à le faire".

Au cours du procès, les histoires entretenues entre l’accusé et les femmes sont abordées afin de mieux comprendre sa personnalité. Alors que c’est l'une des seules femmes avocates présentes durant l’audience, Caroline Rémond le cerne sur son comportement vis à vis du sexe féminin.

"Il essaye toujours d’avoir un ascendant, une emprise. Je me sens avocat sous la robe. Lui, voit bien que c’est une femme, et ça le dérange", relate-t-elle auprès de RMC Crime.

L'avocate n'hésite pas à poser des questions frontales à Nordahl Lelandais. Dès que ça l'embarrasse, il botte en touche. Ce dernier a la même réaction quand ses ex-petites amies témoignent à la barre.

Pire, pour Me Caroline Rémond, l’accusé se montre méprisant à l’égard des acteurs du procès, et même envers la douleur infligée à sa propre famille: "Pendant 34 ans, il a donné une autre image de lui que celle donnée devant la cour d’assises. C'était l'image du bon cousin, du bon parrain. Alors qu’il a commis des agressions sexuelles sur ses deux petites cousines".

Une plaidoirie "spontanée"

Puis, vient le moment fatidique, celui de la plaidoirie. Après trois semaines d’audience, c’est sa dernière prise de parole dans ce procès. Pour la préparer correctement, Me Caroline Rémond prend des notes régulièrement. À l’aide de post-it, elle note les thèmes à aborder afin de ne pas les oublier. L’avocate se concentre sur la prédation sexuelle et la pédophilie de Nordahl Lelandais. L’autre point important à mettre en avant, celui de parler de la souffrance infligée par l’accusé aux victimes, et à leurs familles. Elle confie que ses plaidoiries de cours d’assises lui viennent quelques heures avant de plaider. Jamais l’avocate ne les écrit, sa plaidoirie est "spontanée".

La veille, Me Caroline Rémond ne dort pas beaucoup. Une habitude pour cette avocate qui appréhende toujours un peu ce moment.

"C’est toujours stressant, si on ne l'était pas ça serait anormal. Après, on porte la voix de nos clients. Donc dès que l’on prend la parole, on ne pense plus à ça", confie-t-elle.

Le moment est venu. Me Caroline Rémond prend la parole devant la cour d’assises de l’Isère. Son rôle est de faire comprendre aux jurés la dangerosité et l’atrocité du crime et des délits commis par Nordahl Lelandais. Lorsque l’avocate se tourne vers l’accusé, elle le regarde dans les yeux, mais lui, les détourne. Cette dernière décrit un regard "noir" et "défiant".

L’avocate tient en haleine la salle d’audience. La plaidoirie se termine. Cinquante minutes sont passées. Puis, les jurés se retirent pour délibérer. Après sept heures d’attente, le verdict tombe. Le 18 février, Nordahl Lelandais est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, dont une peine de sûreté de 22 ans.

Un procès marquant pour l'avocate

Cette plaidoirie lui reste en mémoire: "Quand on plaide dans un dossier comme celui-ci, ça reste un moment très fort. Lorsque je me lève pour prendre la parole, j’y vais avec mes tripes.”

Très médiatisé, le procès a été suivi de près par les téléspectateurs et les médias. Lorsque la justice a été rendue, c'est une page qui se tourne, mais pas pour tout le monde.

"Pour les victimes, ce n’est jamais terminé, car elles ont toujours la même douleur, le même traumatisme qui perdure", témoigne l'avocate.

Longtemps, elle se souviendra de ces trois semaines d’audience intenses. Marquée par plusieurs moments charnières du procès notamment par les prises de parole des proches de victimes. Mais pas que. La plaidoirie de ses confrères de la partie civile l’ont aussi beaucoup touché: "Nordahl Lelandais, je l’oublierai. Les victimes, elles, je ne les oublierai pas".

Marine Lemesle