C'est sur une scène glaçante que s'ouvre le film d'Alessio Cremonini. Des médecins entrent dans la chambre d'un jeune homme violemment agressé par des carabiniers une semaine plus tôt. Mais alors qu'il doit faire une prise de sang, il ne bouge pas: sept jours après l'attaque, il est mort des suites de ses blessures.
Une image d'autant plus glaçante que ce long-métrage, sorti en 2018 et disponible sur la plateforme Netflix, est tiré d'une histoire vraie. Celle de Stefano Cucchi, jeune Romain devenu le symbole des victimes de violences policières en Italie en 2009 après avoir été passé à tabac par les forces de l'ordre.
Le 15 octobre 2009, Stefano Cucchi, un géomètre de 31 ans, est arrêté par les carabinieri en possession de cannabis. Conduit au poste de police, il est longuement interrogé, soupçonné de trafic de stupéfiants.
Mort une semaine après l'agression
Refusant de se soumettre aux tests de la police scientifique à la prison de Regina Coeli, à Rome, il ressort de son interrogatoire le visage tuméfié et le corps meurtri. Placé en cellule en attendant sa première comparution devant le juge le lendemain, il se plaint d'être malade mais refuse l'aide des médecins urgentistes.
Le lendemain, le tribunal valide son arrestation. Il est placé en détention provisoire en attendant son procès, prévu un mois plus tard. Mais après cette audience, son état de santé empire et il finit par être conduit d'urgence à l'hôpital.
Alors que ses proches veulent lui rendre visite, leurs demandes restent lettre morte. Lorsqu'ils finissent par obtenir une autorisation du médecin et du juge, il est déjà trop tard: Stefano Cucchi est mort à l'hôpital, le 22 octobre 2009.
Un combat judiciaire et médiatique
Aussitôt, la famille du jeune homme entame un long combat judiciaire pour comprendre qui sont les responsables de sa mort et dans quelles circonstances il a vécu depuis son arrestation.
Devant les caméras notamment, sa sœur Ilaria Cucchi ne cesse de rapporter les questions qui la taraudent pour alerter l'opinion publique, comme le relatait il y a quelques années L'Obs: de quoi Stefano Cucchi est-il mort? A-t-il reçu des soins appropriés? Et quel rôle ont joué les carabienieri dans son décès?
Alors que ces derniers prétendent que le jeune Romain est mort parce qu'il était toxicomane et nient lui avoir porté des coups, l'autopsie révèle qu'il est décédé des suites d'une privation d'eau, de nourriture et d'un manque de soins médicaux. Par ailleurs, les clichés du corps à la morgue montrent clairement de nombreux hématomes.
Deux gendarmes condamnés pour "homicide involontaire"
D'abord pointés du doigt, les gardiens de la prison ont été jugés pour des mauvais traitements en 2013, avant d'être acquittés. Les médecins qui ont pris en charge le jeune homme ont pour leur part été condamnés, mais acquittés également en appel en 2014, déclenchant une vague de protestations dans l'opinion publique.
Comme le relate encore L'Obs, le président du Sénat Pietro Grasso a alors lui-même pris la parole pour demander "que les représentants des institutions qui sont impliqués dans cette affaire rompent le silence et donnent des détails sur ce qu’a subi Stefano Cucchi".
En 2015, la famille de la victime obtient la réouverture de l'enquête, débouchant sur un nouveau procès, en 2018. Lors de l'audience, un gendarme a finalement reconnu avoir assisté au passage à tabac de Stefano Cucchi par deux de ses collègues, raconte de son côté Courrier international. Il explique avoir été ensuite empêché de témoigner dans ce sens par sa hiérarchie.
"Le mur est tombé", a alors déclaré Ilaria Cucchi, la sœur de la victime.
En 2022, à l'issue de trois procès, Alessio Di Bernardo et Raffaele D'Alessandro, les deux gendarmes désignés comme les auteurs des violences en prison, ont été reconnus coupables d'"homicide involontaire" par la Cour de Cassation et condamnés à 12 ans de réclusion criminelle.