Cold case: qui a assassiné Albert Lermoyer, adjoint au maire de Lécluse, en 1983?

La mairie de Lécluse, dans le Nord. - Google Street View
Petit village du Nord, non loin de Douai, Lécluse n'a encore révélé tous ses secrets. Il y a 40 ans, l'adjoint au maire est assassiné pendant son sommeil. Un crime que l'on pourrait qualifier de "parfait", puisque jamais l'auteur des faits n'a pu être identifié.
Le 25 janvier 1983 au matin, la belle-soeur d'Albert Lermoyer s'inquiète de ne pas voir le frère de son mari arriver comme à son habitude pour le petit-déjeuner. Elle décide de se rendre chez lui et le trouve inanimé dans son lit, allongé sur le dos. Sur son visage, l'expression paisible d'un homme mort dans son sommeil sans s'en être rendu compte.
Le médecin légiste de la commune est appelé à venir constater la mort de l'élu. Mais un détail l'interpelle: une fine plaie au coin de l'oeil ressemblant à un glaucome. Déplaçant la tête d'Albert Lermoyer, il découvre un filet de sang qui s'écoule de son oreille: il est certain que la victime a finalement été tuée alors qu'elle dormait. D'après les conclusions du docteur, une balle a traversé le cerveau de l'adjoint pour ressortir par son oreille.
Lécluse, "la petite Corse"
La nouvelle de la mort de l'élu circule vite à Lécluse: de nombreuses personnes se précipitent pour venir au chevet du défunt... et polluent ce qui est à présent une scène de crime, rendant les investigations complexes dès le départ.
"Les gens le savent assez rapidement et sont là pour venir donner leur soutien moral", relate dans un épisode d'Affaires sensibles consacré à l'épisode le neveu d'Albert Lermoyer, Dominique.
Quelques jours plus tard, la balle qui a tué la victime est retrouvée, coincée dans une plainte de la chambre. Elle correspond à une arme ancienne.
Tout le monde se connaît à Lécluse, et quand la nouvelle du meurtre de l'adjoint au maire commence à circuler, les rumeurs vont bon train sur l'identité du criminel. Pourtant, rares sont les noms qui arrivent jusqu'aux oreilles des policiers: comme le raconte Eric Halphen, ancien juge d'instruction sur l'affaire, dans L'Heure du crime, le village est surnommé "la petite Corse". À comprendre: Lécluse est un endroit "où les gens ne disent rien".
Le meurtrier, un proche de la victime?
L'emploi du temps de la victime parvient néanmoins à être établi, permettant de déduire des indices quant aux circonstances du passage à l'acte: la veille, Albert Lermoyer était allé dîner chez son frère et sa belle-soeur avant de rentrer chez lui pour dormir.
Ce soir-là, et dans la nuit, ses chiens n'ont pas aboyé, ce qui laisse penser qu'ils connaissaient l'auteur du meurtre. Par ailleurs, il semble que la personne se soit introduite dans la chambre de la victime avant que celle-ci ne vienne s'y coucher, puisque les marches menant à la pièce craquent très fortement. Or, Albert Lermoyer semblait dormir sur ses deux oreilles lorsqu'il a été tué.
"La disposition des lieux amène à penser que le meurtrier était tapi dans l'obscurité", abonde son neveu dans Affaires sensibles consacré à l'affaire.
Ces éléments amènent d'autant plus les gendarmes à penser que l'auteur était un proche de l'adjoint, et qu'il connaissait bien ses habitudes et les paricularités de sa maison.
Un grand séducteur
D'abord agriculteur avant de devenir ouvrier-papetier, Albert Lermoyer, alors âgé de 47 ans, était également coiffeur à ses heures perdues. "Il est plutôt bel homme. (...) Il est plutôt élégant, a un physique soigné", raconte dans L'Heure du crime la journaliste Marie Goudeseune, autrice d'un livre-enquête sur l'affaire - Mais qui a tué l'adjoint de Lécluse? - paru il y a quelques années.
À Lécluse, on décrit Albert Lermoyer comme un homme proche des administrés, toujours volontaire pour prêter main forte... mais aussi très séducteur. C'est donc vers là que vont regarder les enquêteurs. Maîtresse déçue? Mari cocu? Tous les coupables potentiels connus des services de police sont interrogés. À commencer par la belle-soeur d'Albert Lermoyer, avec qui il aurait eu une liaison dans le dos de son frère.
D'autres pistes sont étudiées: celle d'une fille que l'adjoint aurait eu avec une voisine, sans jamais vouloir la reconnaître, ou encore celle de Marcelle, une agricultrice avec qui il aurait entretenu une relation. Mais toutes ces hypothèses n'aboutissent finalement pas, tous les alibis semblent solides.
Non-lieu en 1991
Un suspect va cependant se préciser: Roland, le frère de la fermière, inspecteur de police à Douai. Plusieurs éléments vont à son encontre: son épouse a mystérieusement disparu un an jour pour jour avant le meurtre d'Albert Lermoyer, et il collectionne les armes anciennes, dont il maîtrise l'utilisation.
Par ailleurs, un soir où il a bu, Roland lance à ses collègues qu'il a bien tué sa femme et l'a emmurée quelque part où elle ne serait jamais retrouvée. Albert Lermoyer aurait-il pu détenir cette information, ce qui constituerait un mobile pour Roland? Pourtant, en l'absence d'aveux, le policier est relâché.
En 1991, faute d'avancées dans l'enquête, un non-lieu est rendu. Roland meurt noyé par ailleurs trois ans plus tard, en 1994, emportant avec lui la seule piste plausible à avoir été étudiée.