Quatre ans et demi après la disparition de Tiphaine Véron, pourquoi l'affaire patine?

Un avis de recherche pour Tiphaine Véron, placardé à Nikko, et photographié le 23 août. - Kazuhiro Nogi - AFP
"Il y a tellement de chose à faire qu'on s'est toujours dit: on doit continuer à se battre." Quatre ans et demi après la disparition de Tiphaine Véron, les efforts de son frère Damien ont fini par payer: le pôle dédié aux affaires non élucidées et aux crimes sériels a finalement accepté de reprendre en main le dossier, annonçait hier RTL.
Pour les proches de la jeune femme disparue en 2018 à Nikko au Japon, cette annonce est une "merveilleuse nouvelle": ils se réjouissent du fait que des juges spécialisés dans les affaires non résolues soient saisis du dossier au sein de ce pôle "cold cases" de Nanterre conduit par Sabine Khéris, la magistrate qui avait réussi à soutirer des aveux à Michel Fourniret.
"L'instruction à Poitiers a été laborieuse donc, là, c'est merveilleux pour nous", a encore réagi Damien Véron.
Disparition soudaine
Jusqu'à maintenant, l'enquête a en effet suscité de nombreuses déceptions pour les proches de Tiphaine Véron, le juge d'instruction en charge de l'enquête étant allé jusqu'à rendre un non-lieu il y a six mois.
A l'été 2018, la jeune femme originaire de Poitiers part en voyage au Japon. Le 29 juillet au matin, elle quitte son hôtel à Nikko, une ville très touristique située au nord-est, pour poursuivre sa visite. Cependant, elle ne reviendra jamais dans sa chambre et ne donnera plus signe de vie, laissant derrière elle son passeport et ses affaires.
La présence de ces objets exclue rapidement la piste d'un suicide ou d'une disparition volontaire. L'auxiliaire de vie avait minutieusement préparé son voyage étape par étape, comme le prouve un document retrouvé dans sa chambre d'hôtel.
"Une non-affaire" au Japon
Sur place, les enquêteurs japonais concluent sans grands efforts à un accident, et les rares recherches menées ne donnent rien. Surtout, ils ne donnent pas de crédit à l'hypothèse d'un acte criminel, ce qui n'entraîne pas d'investigations dans ce sens.
Le parquet de Poitiers ouvre de son côté une information judiciaire à l'automne 2018. En mai 2019, des enquêteurs sont envoyés au Japon pour trouver des indices, en vain. Depuis, les autorités japonaises coopèrent peu avec la France pour retrouver la trace de Tiphaine Véron.
"Les enquêteurs japonais ont objectivement cherché à faire de cette affaire une non-affaire", déplorait en 2021 l'avocat de la famille de l'époque, Me Antoine Vey.
Il évoquait auprès de France 3 "des auditions de témoins inexistantes ou incomplètes, des pièces manquantes ou non traduites" par les enquêteurs nippons. Surtout, il ajoutait que les données de téléphonie de la disparue n'avaient jamais été exploitées, alors qu'elles auraient pu donner des informations importantes sur sa localisation.
Un non-lieu prononcé
Plaintes des proches, demandes du parquet de Poitiers, intervention d'Emmanuel Macron auprès du Premier ministre japonais en 2021... Rien n'y fait, le Japon n'ouvrira jamais d'enquête criminelle concernant Tiphaine Véron.
La famille de la jeune femme se mobilise alors de son côté et part mener sa propre enquête à Nikko en engageant des détectives privés et des secouristes. Au total, rapporte encore France 3, ils en auront pour 70.000 euros, une somme composée de leurs économies mais aussi de dons récoltés. Mais là encore, à part mettre en lumière le fait que de nombreuses pistes ont été négligées et mériteraient d'être étudiées, ces investigations ne donnent rien de concret.
Faute d'éléments suffisants, la juge d'instruction poitevine en charge du dossier a rendu un non-lieu en juillet dernier.
"Ce qu'on demande depuis le début, c'est qu'un juge d'instruction puisse aller au Japon", lançait mercredi Damien Véron, dont les propos sont cités par RTL. Un espoir à présent ravivé par l'arrivée du dossier au pôle "cold cases".