RMC Crime
Cold Cases

Cold case: trente-deux ans plus tard, le meurtre du berger de Castellar reste impuni

Le village de Castellar, dans les Alpes-Maritimes, théâtre du meurtre de Pierre Leschiera.

Le village de Castellar, dans les Alpes-Maritimes, théâtre du meurtre de Pierre Leschiera. - -

Pierre Leschiera, le berger de Castellar (Alpes-Maritimes), a été tué d'une balle dans le dos en août 1991. Aujourd'hui, on ne connaît toujours pas les circonstances exactes de ce meurtre.

"Depuis sa mort, certains ont baissé les bras. Nous, on essaie de faire ce qu'on peut." Trente-deux ans se sont écoulés depuis que Pierre Leschiera, berger du village de Castellar (Alpes-Maritimes), a été tué en août 1991. Alors que des suspects avaient été identifiés, ils ont été acquittés au bout de trois procès, laissant le meurtre impuni.

Si beaucoup ont oublié l'affaire, elle reste bien vive dans la mémoire des proches de Pierre Leschiera. Certains se battent encore pour que le dossier soit repris en main après l'échec des précédentes procédures. Récemment, Christian Le Bozec, ami proche de la victime, s'est de nouveau tourné vers la justice dans cet objectif, comme le révélait fin juillet le Télégramme.

"On veut relancer une procédure, il faut une enquête complémentaire", affirme-t-il auprès de RMC Crime.

Menaces de mort et intimidations

Il y a 32 ans presque jour pour jour, le 17 août 1991 au petit matin, Pierre Leschiera est abattu d'une balle dans le dos. Une fois le choc encaissé dans le village de Castellar, où il possédait un grand troupeau, les regards ne tardent pas à se tourner vers les membres du clan Verrando.

Si les soupçons se portent rapidement sur eux, c'est qu'un violent conflit règne depuis une dizaine d'années entre cette famille de chasseurs et le berger. Sur fond de jalousie liée à l'importance de la bergerie de Pierre Leschiera, le clan aurait multiplié les menaces de mort et simulations d'exécution envers lui, le poussant à déposer une main courante à la gendarmerie de Menton.

"Un an avant sa mort, alors que l'on rentrait d'une balade dans le parc du Mercantour, nous avons discuté des prochaines vacances. Ce qu'il m'a dit, je ne l'oublierai jamais: 'Je ne serai plus là, il faudra que tu t'occupes bien de ma famille'. J'ai pris comme un coup sur la tête. En rentrant de ces vacances, j'ai pleuré", se remémore Christian Le Bozec.

Les deux accusés acquittés

Les deux hommes se rencontrent en 1980 au Bénin où ils sont venus en tant que bénévoles, l'un proposant des formations de berger, l'autre tenant un dispensaire et une maternité avec son épouse. De retour en France, ils se voient tous les ans et resteront proches jusqu'à la mort de Pierre Leschiera.

Par fidélité envers son ami et par besoin d'obtenir la vérité, Christian Le Bozec suivra l'enquête pas à pas et soutiendra toujours la fille du berger. Mais alors que les investigations suivent leur cours, une chape de plomb pèse sur le village de Castellar et les enquêteurs ne parviennent pas à rassembler suffisamment de preuves.

Au bout de trois procès que Christian Le Bozec décrit aujourd'hui comme "grotesques", Alain Verrando et son neveu Jérôme, les deux principaux accusés, sont acquittés par la cour d'appel des Bouches-du-Rhône en 2008.

"Eric Dupond-Moretti [qui défendait Jérôme Verrando, ndlr] est venu me voir à la fin de l'audience. Il m'a demandé de dire à la fille de Pierre que son client ne pouvait pas être condamné dans un dossier aussi mal ficelé", raconte Christian Le Bozec, pour qui ces mots résonnent comme des semi-excuses.

"Le vrai coupable n'a jamais été jugé"

En 2013, la famille du berger avait porté plainte contre l'Etat pour dysfonctionnements de la justice, mettant notamment en cause la longueur de l'enquête, qui aura duré 17 ans. Elle a finalement été déboutée, le juge considérant que tous les actes d'enquête qui auraient permis la manifestation de la vérité dans le dossier avaient été effectués.

Avec d'autres amis de Pierre Leschiera, Christian Le Bozec a depuis réfléchi à une autre hypothèse. Selon eux, même s'il est en lien avec le clan Verrando, "le vrai coupable n'a jamais été jugé". "On a un suspect en tête, on espère qu'il sera entendu par la justice."

Il s'est donc rapproché du procureur de Nice, et a fini par être entendu par la brigade de recherches de Menton. Reste à savoir si sa démarche sera suffisante pour que la justice ait la volonté de rouvrir ce dossier vieux d'une trentaine d'années. "C'est une sale histoire qui nous a tous marqués, avec laquelle on a pris une claque. On essaie de faire à nouveau parler de l'affaire, on n'a jamais arrêté."

Elisa Fernandez