À la fois "policier", "pompier" et "assistant social": un surveillant pénitentiaire raconte son métier

Le métier de surveillant pénitentiaire (image d'illustration) - Joachim Bertrand / Ministère de la Justice
"Il ne faut jamais oublier où on travaille." Nicolas est surveillant au sein d’un centre pénitentiaire situé dans l'ouest de la France. Après avoir réussi son concours en 2008, il a depuis monté les échelons, jusqu'à devenir aujourd’hui premier surveillant et ainsi encadrer ses collègues.
Sur le papier, son rôle est simple: "Veiller sur les personnes détenues dont on a la garde."
Mais ses missions quotidiennes vont bien au-delà, comme il l'explique à RMC Crime: "Je suis aussi bien policier, quand il y a des enquêtes à mener en interne ; pompier, parce qu’on est souvent amené à pratiquer les gestes de premiers secours ; CRS, car on doit maintenir l’ordre face aux excès de violence ; qu’assistant social parce qu’on gère de l’humain avant tout, donc on doit être à l'écoute des personnes."
Un métier "méconnu" et "décrié"
Pour devenir surveillant pénitentiaire, il faut passer le concours de l’administration pénitentiaire et choisir une filière en fonction du poste que l’on souhaite occuper. "On peut commencer en bas de l’échelle et évoluer avec des concours", explique Nicolas. Pour lui qui a toujours été attiré par les métiers liés à la sécurité, c'est une vocation.
Pourtant, il sait que sa profession n'a pas bonne réputation. "C’est un métier méconnu qui est indispensable à notre société et qui est pourtant très décrié", regrette-t-il.
Selon les dernières statistiques du ministère de la Justice, 72.809 personnes sont aujourd’hui derrière les barreaux pour 30.500 surveillants. Une surpopulation record, régulièrement dénoncée par les observateurs des lieux de détention, et compliquée à gérer au quotidien.
"Aujourd’hui, un surveillant a beaucoup de détenus à charge", explique Nicolas. "Ce n’est pas confortable pour nous, ni pour eux. C’est pour ça qu’on a autant de campagnes de recrutement parce que les conditions de travail des surveillants sont aussi les conditions de vie des détenus."
Mais ce métier n’est pas donné à tout le monde, estime Nicolas, qui rappelle qu'il s'agit d'une profession à risque:
”Il faut avoir déjà eu un certain vécu, car c’est un métier qui a tellement d’impact psychologique qu’on peut rapidement ramener le travail à la maison et ça ne donne jamais de beaux résultats."
Il faut également se maintenir en forme, "parce que les détenus, eux, ont une certaine condition physique", reconnaît-il. Car malheureusement, les faits de violences en détention sont une réalité: "On n’est jamais à l'abri d’une agression." L'administration pénitentiaire a ainsi recensé 4314 agressions physiques contre des agents en 2018, soit plus d'une dizaine par jour.
“Si j’ai peur de faire mon travail, c’est qu’il faut que j’arrête”
Si le risque est quotidien, Nicolas met un point d’honneur à ne jamais travailler avec l’angoisse de subir une agression. "À partir du moment où j’ai peur de faire mon travail, c’est qu’il faut que j’arrête", juge-t-il. "Si on travaille avec la peur au ventre, c’est là qu’arrive les problèmes et les erreurs. On aura toujours une appréhension parce qu’on est conscient que ce n’est pas anodin de travailler dans une prison."
Ces proches doivent d’ailleurs composer avec leur quotidien risqué. “Il y a des agressions sur le personnel toutes les semaines, donc forcément ça peut leur faire peur”. D'autant que le risque ne s’arrête pas aux portes de la prison. Il arrive parfois aux surveillants pénitentiaires de croiser des anciens détenus à l’extérieur. Nicolas a d’ailleurs mis en place un plan bien précis avec sa compagne.
"Si on sortait et que ça devait dégénérer, ma femme et mes enfants savent qu’ils doivent quitter les lieux au plus vite et me laisser gérer", détaille-t-il à RMC Crime.
"Le plan qu’on a mis en place, c’est que je donne les clés de ma voiture à ma femme", poursuit-il. Elle sait qu’elle devra prendre les enfants sous le bras et se réfugier dans la voiture."
Pour évacuer tout cela, Nicolas aime s’octroyer une petite demi-heure avant de retrouver ses proches. Généralement, il se retrouve avec ses collègues autour d'un verre. Une façon, dit-il, "de relâcher toute la pression de la journée".