Elle enquête dans les labos de la gendarmerie scientifique

Un gendarme de l'unité scientifique (image d'illustration) - AFP
“Les agents de la gendarmerie scientifique sont dans la coulisse, et je crois qu’ils aiment bien ça”. Intégrer l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale est très rare. Les gendarmes scientifiques travaillent dans l’ombre et ne parlent pas facilement des techniques qu’ils utilisent pour analyser des preuves dans une affaire criminelle. Basée à Cergy-Pontoise, en région parisienne, cette unité est née pour coordonner au mieux la gestion des analyses scientifiques de la gendarmerie. Dans son livre Scènes de crime, la journaliste Catherine Mallaval raconte ce monde secret de l'intérieur.
“La section technique d’investigation criminelle de la gendarmerie a été créée après le fiasco de l’affaire Grégory”, explique Catherine Mallaval.
Pour la journaliste, tout a commencé en janvier 2020 par une visite des locaux organisée par l’association des journalistes scientifiques. Quand elle a vu la richesse des laboratoires, des sujets traités et de la diversité de leurs actions, elle a tout de suite pensé en faire un livre. “On s’est dit qu’il fallait absolument raconter cet endroit”, comme elle l’explique pour RMC Crime.
L’idée de départ était d’expliquer leurs techniques à travers des histoires réelles pour une meilleure compréhension. Pendant un an, elle a suivi les activités de ces experts scientifiques.
“Ce fut l’occasion pour eux de recadrer l’image des experts abondamment véhiculés par les séries télé”, avoue-t-elle.
Cette enquête lui a demandé beaucoup de travail, car n’étant pas spécialiste des termes scientifiques, elle a dû se former et se documenter pour bien saisir la complexité du travail de ces gendarmes. “A chaque fois, j’ai été obligée de lire des tas de choses, j’ai par exemple lu des tonnes d’articles sur les algues. J’ai fait beaucoup de recherches annexes, quitte à ce que ça en devienne une obsession”, avoue la journaliste.
“C’est une course contre la montre”
Aujourd’hui, 250 experts travaillent pour l’IRCGN et traitent environ 300.000 échantillons et 230.000 dossiers chaque année. Parmi eux, chacun a son propre rôle et tout est très hiérarchisé. “Chacun a sa spécialité, c’est de la science très pointu donc ce sont des chercheurs très pointus. Celui qui fait de la toxicologie ne fait pas l’analyse ADN, par exemple”. Quand ils doivent intervenir sur une scène de crime, le temps est compté pour espérer élucider l’affaire
“C’est une course contre la montre. Il nous faut chercher et prélever toutes les traces potentielles avant que celles-ci ne soient altérées avec le temps”, explique le colonel Fabrice Fillon, ancien directeur adjoint de cet Institut.
C’est le juge d’instruction qui les appelle pour analyser une scène de crime. “Il va dire ‘je veux la date de la mort, savoir s’il s’est noyé ou pas, si sa voiture a été trafiquée, si on lui a fait avaler des tranquillisants, par exemple”, explique Catherine Mallaval. En arrivant sur place, les experts scientifiques sécurisent le lieu pour ne pas polluer la scène de crime.
“Je fais le point avec le technicien de l’identification criminelle, ensuite, il relève les traces et récupère les scellés”, raconte le major Jean-Michel Erceau dans le livre. Il leur arrive également de demander des brosses à dents et à cheveux aux familles des victimes pour pouvoir récolter leur ADN. Ils se rendent ensuite à l’IRCGN pour établir le profil génétique de la victime: “La mission de l’IRCGN est de chercher les éléments qui permettront de relier ou pas un individu interpellé à l’événement qui est survenu”, explique-t-il.
Des grands moyens pour des grands scientifiques
Pendant son enquête, Catherine Mallaval a pu avoir accès à différentes techniques et outils utilisés par les gendarmes de cette unité, notamment le Fichier national Automatisé des empreintes génétiques. “Ils ont plein de codes pour y accéder, le niveau de sûreté est costaud”, avoue-t-elle. Si ce fichier est très connu du grand public, ces gendarmes utilisent des techniques plus mystérieuses, comme l’entomologie médico-légale. Cela consiste à analyser les espèces présentent sur un cadavre pour déterminer depuis quand la personne est morte.
“J’ai vu des prélèvements d’insectes pour dater la mort récupérée sur une scène de crime. Grâce à ces prélèvements, on arrive à faire une datation très précise jusqu’à deux ans après la date du décès”, explique la journaliste pour RMC Crime.

Les gendarmes scientifiques bénéficient également de moyens technologiques très poussés, comme par exemple des logiciels pour modéliser une scène de crime pour ensuite tester des hypothèses. "Ça sert beaucoup aux experts balistiques pour tester les trajectoires des balles”. Il y a aussi le service qui analyse les accidents de voiture.
“Ceux qui ont travaillé sur la voiture qui a causé la mort de Lady Di, ils sont dans un immense garage reconstitué pour analyser les trajectoires de la voiture”.
“Ce sont des scientifiques avant tout”
Les experts de cette unité sont d'abord des scientifiques. Pour eux, la preuve matérielle prévaut sur tout le reste.
“Ce sont des scientifiques avant tout. Ce ne sont pas eux qui mènent l’enquête, ils aident à faire avancer l’enquête. Ils servent à ouvrir et à fermer des portes”, explique Catherine Mallaval.
Il existe deux parcours type pour espérer intégrer cette unité de la gendarmerie. Il y a d’abord ceux qui ont gravi les échelons de la gendarmerie et qui se sont ensuite lancés dans des masters scientifiques. Et puis, il y a ceux qui ont des parcours purement scientifiques et qui ont préféré exercer leurs compétences au sein de ce service public, plutôt que pour des entreprises privées.
“Pour l’essentiel, ils sont gendarmes, mais il y en a aussi quelques-uns qui ne le sont pas, mais qui ont une spécialité très pointue qui fait qu’on les a pris dans l’équipe parce qu’ils savaient faire quelque chose que personne ne savait faire”, explique la journaliste.
Retrouvez son livre Scènes de crime, dans le labo de la gendarmerie scientifique, co-écrit avec Mathieu Nocent, aux éditions Flammarion.