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"On se sentait uniques": victime de l'une des sectes les plus dangereuses au monde, il témoigne

Cette secte l'a coupé de ses proches et du monde qu'il connaissait

Cette secte l'a coupé de ses proches et du monde qu'il connaissait - StockSnap/ Pixabay

Alban Bourdy est tombé entre les mains d’une des sectes les plus dangereuses du monde, appelée Ashram Shambala. Aujourd’hui sorti de ce mouvement, il se confie à RMC Crime sur ce qu’il a vécu.

“J’y croyais à fond." Alban Bourdy, un écrivain de 39 ans, a passé deux ans de sa vie au sein de la secte Ashram Shambala. Considéré comme l’un des plus dangereux du monde, ce mouvement l’a coupé de tous ses proches et lui a fait perdre beaucoup d’argent. Aujourd’hui reconstruit, il témoigne pour RMC Crime sur les pratiques de ce groupe qui fait encore des adeptes.

Tout commence en juin 2010, lorsqu’il reçoit sur Facebook le message d’une femme qui se présente comme une professeure de yoga. Elle demande à Alban s’il peut l’aider à trouver un lieu pour recevoir une chamane sibérienne qui arrivera bientôt à Marseille, afin de réaliser un stage de tantrisme.

"Ça ne m’a pas semblé bizarre puisque je tenais une boutique axée sur le spirituel, peu de temps avant", explique-t-il.

À ce moment-là, Alban traverse une étape difficile dans sa vie, car son commerce vient de mettre la clé sous la porte. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il vient de tomber entre les griffes d'une secte.

“On se sentait un peu uniques”

Fondé en Russie en 1989 par un certain Konstantin Rudnev, Ashram Shambala est décrit par les experts comme un mouvement totalitaire. Il est basé sur le livre du créateur qui se veut autobiographique et qui remet en cause la société. Pour intégrer ce mouvement, il faut renier sa famille, son travail et se vouer corps et âme à l’énergie sexuelle des très jeunes femmes.

"On nous disait que la femme entre 13 et 20 ans avait une énergie sexuelle débordante et on nous encourageait à avoir des rapports sexuels avec des jeunes femmes", assure Alban.

Pour espérer trouver le bonheur, comme le promettait le gourou, il faut adhérer à des stages payants où les conditions de vie sont très difficiles. "On nous faisait très peu manger, très peu dormir, prendre des bains d’eau glacée, pratiquer des exercices physiques intenses et on nous mettait de la musique techno très forte pour nous faire entrer dans un état de transe", décrit Alban.

"On nous culpabilisait si on ne respectait pas les rites car nous n’étions pas des êtres purs", ajout

Alban, rapidement devenu leur organisateur en France, a dû se rendre en Ukraine et en Géorgie afin de pratiquer ces rites. Pour ce mouvement, l’homme a vidé ses comptes bancaires. "On nous disait qu’on avait une chance phénoménale d’être les premiers occidentaux à avoir accès à ces enseignements", relate-t-il. "On se sentait un peu uniques."

“Il m’a fallu beaucoup de temps"

En juillet 2011, Konstantin Rudnev, le créateur de la secte Ashram Shambala est arrêté après que seize membres ont porté plainte contre lui. Ils l’accusent d’avoir organisé des orgies avec des mineurs en utilisant la drogue, le manque de sommeil et de nourriture pour arriver à ses fins. Il est également poursuivi pour viol, agressions sexuelles et trafic de drogues.

"Les orgies servaient à stimuler nos énergies sexuelles qui permettaient d’arriver au bonheur promis", explique Alban qui a participé à certaines de ces séances.

Mais avec l’arrestation du gourou, l’écrivain sent bien que quelque chose ne va pas dans ce mouvement. "Quand je me posais des questions sur certains agissements, on me répondait que c’était mon mental qui résistait", raconte-t-il.

En juillet 2012, il décide finalement de quitter le groupe. Ayant coupé les ponts avec ses proches, et donné tout son argent à l'organisation, Alban a dû repartir de zéro. "Il m’a fallu beaucoup de temps pour que je m’avoue les choses et pour en finir définitivement avec les idées du groupe", reconnaît-il.

Pour tenter d’exorciser cette expérience, qui a eu un effet dévastateur chez lui, il a décidé d’écrire un livre sur ce mouvement sectaire, intitulé Un bisounours au pays des se(x)ctes, aux éditions BOD. Konstantin Rudnev a lui été condamné à 11 ans de prison, comme le rappelle l'Unadfi, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes.

Si vous pensez être victime d’un mouvement sectaire, ou si vous avez détecté que l’un de vos proches a intégré un de ces mouvements, rendez-vous sur le site de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Alix Mancel