Prisons françaises: à Condé-sur-Sarthe, des détenus très surveillés et des méthodes musclées

Le centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, le 5 octobre 2021 - JEAN-FRANCOIS MONIER © 2019 AFP
Même le "roi de la belle" demande à en sortir. Moins de deux mois après son transfert en mai, Rédoine Faïd a déposé un recours devant le tribunal administratif de Caen afin de faire annuler son incarcération à la maison centrale de Condé-sur-Sarthe. Alors qu'il attend d'être jugé en septembre pour sa spectaculaire évasion de la prison de Réau en juillet 2018, la justice a décidé de le placer dans cet établissement hautement sécurisé afin de se prémunir contre toute récidive.
Dans son argumentaire pour retourner à Fleury-Mérogis, Rédoine Faïd déclare que ce nouveau placement l'empêche de voir ses avocats et ses proches, mais aussi que ses conditions de détention à Condé-sur-Sarthe sont "particulièrement sévères". Et pour cause: les murs de l'établissement abritent les prisonniers les plus surveillés de France.
Évasions, violences... Les détenus présentant des risques particuliers y sont souvent incarcérés, comme l'explique Me David Parison. "Ce sont des détenus qui ont souvent des antécédents pénitentiaires et carcéraux, qui ont un certain palmarès judiciaire et sont parfois adeptes des menaces et des outrages."
Une prison "haute sécurité"
Avocat principalement dans l'Aube, David Parison est plusieurs fois intervenu auprès de clients incarcérés à Condé-sur-Sarthe au cours de sa carrière, à l'instar de El Khaled Ibad Ally, transféré dans cette prison de l'Orne après un passage marquant au centre de détention de Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, où il a tué l'un de ses codétenus en 2012.
En tout juste dix ans d'existence, le centre de Condé-sur-Sarthe s'est bâti une réputation d'établissement ultra-sécurisé, habilité à accueillir des détenus difficiles.
"C'est ce qu'on appelle une prison 'haute sécurité', très disciplinaire", décrit encore Me David Parison auprès de RMC Crime.
En première ligne dans l'encadrement des détenus, les membres du personnel sont souvent confrontés à des rébellions et démonstrations de violence. Dernier épisode marquant en date: l'agression à l'arme blanche d'un surveillant en mars dernier. Alors qu'il réintégrait sa cellule en quartier d'isolement, un prisonnier s'est saisi d'une paire de ciseaux et s'en est pris violemment à lui en le poignardant dans le dos.
"Les déplacements peuvent être musclés"
Au même titre, le personnel est régulièrement pris en otage par des détenus. On retient notamment l'attaque de mars 2019 par cinq détenus, pour lesquels le Parquet national antiterroriste a requis un procès début juillet. Suivant un plan minutieusement ficelé depuis plusieurs mois, un homme radicalisé, aidé par quatre complices, avait agressé des surveillants, armé de couteaux en céramique, avant de renvendiquer son acte au nom de l'Etat islamique.
L'événement avait entraîné un important soulèvement chez le personnel pénitentiaire qui s'est mis en grève, privant les détenus de sortie pendant 21 jours au total. De ce mouvement a résulté un renforcement de la sécurité générale de l'établissement, chaque agent se voyant notamment attribuer un gilet pare-balles.
Mais dans ce climat de tensions, les violences sont réciproques entre détenus et personnel, tient à préciser Me David Parison. Il se rappelle notamment de l'un de ses clients qui, transféré à Condé-sur-Sarthe après avoir été incarcéré à Clairveaux, est resté sans avoir accès à ses affaires pendant plusieurs mois dans le quartier "arrivant" - où séjournent les nouveaux détenus avant de rejoindre leur cellule définitive. "Les déplacements peuvent être musclés, très cadrés par les surveillants", précise l'avocat.
Un isolement pesant
À cela s'ajoutent des conditions d'incarcération qui "peuvent mettre le feu aux poudres", selon les mots de l'avocat. Alors que les détenus qui y passent ne sont sensés y rester que temporairement, leurs séjours se voient de plus en plus prolongés au mépris d'un bon accompagnement et d'une prise en charge de qualité, rapportait en septembre l'Observatoire International des prisons.
Dans ce contexte, et alors que les bâtiments même ont été construits afin que les détenus se croisent le moins possible dans certains quartiers, l'isolement auquel ils sont soumis renforce un sentiment d'oppression, précise la même source. "On ne leur fait pas de cadeaux", conclut Me David Parison.