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Affaires françaises

Rédoine Faïd: sa vie en cellule racontée à travers ses lettres à une journaliste

La journaliste Plana Radenovic du Journal du Dimanche s'est entretenue avec le détenu Rédoine Faïd pendant trois ans. Au fil de leurs échanges, l'homme lui a confié ses pensées les plus intimes.

Au départ, leur rencontre était professionnelle. Plana Radenovic, journaliste pour Le Journal du Dimanche, souhaitait entrer en contact avec le détenu Rédoine Faïd dans le but de réaliser un article sur ses conditions de détention. Connu pour ses braquages et surtout ses deux évasions spectaculaires, il est considéré comme étant "le détenu français le plus surveillé de France". Elle a donc voulu lui donner la parole pour qu'il décrive son quotidien au sein du quartier d'isolement.

En octobre 2019, le rendez-vous est pris. Plana Radenovic se rend au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) pour rencontrer Rédoine Faïd au parloir. Mais l'homme a un régime carcéral très strict ce qui l'oblige à la rencontrer à travers un hygiaphone.

Elle, qui voulait se rendre compte par elle-même des conditions de détention de ce détenu, a tout de suite été confrontée à son quotidien. La journaliste souhaite désormais "dénoncer son placement à l'isolement permanent, les fouilles à nu qu'il subit plusieurs fois par jour et l'ensemble de ce régime carcéral d'exception qui nie les droits humains les plus élémentaires au profit de sa sécurité", comme elle l'explique dans son livre à paraître ce jeudi*.

"Il a pris son rôle de coach ou de grand frère"

Après la publication de son article, la journaliste perd son autorisation de visite. C'est là que démarre une improbable correspondance écrite et régulière avec l'homme pour en apprendre davantage sur son quotidien derrière les barreaux.

"Rédoine sera ma fenêtre ouverte sur la détention", confie-t-elle.

Au fil des lettres, la journaliste et le prisonnier se confient de plus en plus sur leur vie et leur ressenti. "A mesure que notre correspondance avancera (...) j'apprendrai à tisser des liens très forts avec ce détenu étonnamment très sensible et poétique", avoue-t-elle dans son livre.

En partageant leurs vies, ils arrivent à trouver des similitudes dans leurs destins pourtant très différents. "On a bien des points communs, beaucoup de parallèles de vie. C'est étonnant", écrit Rédoine Faïd dans une de ses lettres, après avoir lu le livre autobiographique de la journaliste, publié quelques années plus tôt, où elle raconte notamment sa relation avec sa mère.

"Rédoine est devenu vraiment mon 'ami de papier'", confie-t-elle. "Il a pris son rôle de coach ou de grand frère".

"Je suis ce salaud qui doit faire de la prison et encore de la prison"

Après plusieurs mois à échanger des lettres, Plana Radenovic ose le questionner sur les raisons qui l'ont poussé à tomber dans la criminalité. Après avoir refusé à plusieurs reprises d'y répondre, Rédoine Faïd a fini par se confier.

"J'ai plongé dans l'interdit par nécessité ou par faiblesse. Ensuite, c’est une question de vagues qui vous emportent, grandes ou petites. Mais une fois que t’es lancé, franchement, les remous à pédalo sur la Seine, c’est emmerdant", image-t-il.

Celui qui passe ses journées à lire et rêve de devenir journaliste souffre pourtant de son image. "Je suis le vilain, le délinquant, l'ennemi public, le banlieusard, ce salaud qui doit faire de la prison et encore de la prison".

Malgré ses conditions de détention très strictes et le peu de contact qu'il a avec le monde extérieur, Rédoine Faïd tient à sa liberté. Sa date de sortie officielle est prévue pour 2047, il aura alors 75 ans. Sans compter le procès qui l'attend cette année pour sa deuxième évasion en 2018, de la prison de Réau, à l'aide d'un hélicoptère. Pour lui, la liberté se trouve désormais dans ses convictions.

"Je me suis évadé parce que je voulais être libre et que je suis amoureux de la vie, depuis l'enfance.

J'ai fait appel de toutes mes condamnations sauf celle concernant mon évasion de 2013. Je risque 30 ans de prison. Ils peuvent me mettre un siècle s'ils veulent, je l'accepte. Parce que j'assume ce que je fais, je suis ce genre de personne. Et je ne changerai jamais".

Avant cela, il avait été condamné en 2016 pour son implication dans un braquage avorté et une fusillade, où la fonctionnaire de police Aurélie Fouquet avait trouvé la mort. Il a également été condamné pour une prise d'otages, lors de sa première évasion, à Séquedin cette fois.

*Retrouvez le livre Depuis l'enfer gris qui dévoile les échanges de lettres entre Rédoine Faïd et la journaliste Plana Radenovic, aux éditions Michalon.

Alix Mancel