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"Une véritable révolution": Un an après la création du pôle cold cases, les familles font le bilan

Didier Seban, Ferrouze Bendouiou, Eric Mouzin, Marie-Rose Blétry lors de la conférence de presse pour l'anniversaire du pôle judiciaire de Nanterre

Didier Seban, Ferrouze Bendouiou, Eric Mouzin, Marie-Rose Blétry lors de la conférence de presse pour l'anniversaire du pôle judiciaire de Nanterre - RMC Crime

Ce 1er mars marque le premier anniversaire du pôle judiciaire de Nanterre spécialisé dans le traitement des crimes sériels ou non élucidés. A cette occasion, les associations des familles se sont exprimées.

"Le pôle cold case doit absolument continuer". Un an après la création du pôle spécialisé dans le traitement des crimes sériels ou non élucidés, les avocats spécialisés dans les cold cases, Didier Seban et Corinne Herrmann, ainsi que les associations des familles des victimes se sont rassemblés, ce mercredi, au tribunal de Nanterre pour faire le bilan.

Eric Mouzin, le père de la petite Estelle disparue en 2003, a tenu à souligner la "véritable révolution" de ce pôle qui s'intéresse à ces affaires oubliées. Désormais, les familles reprennent espoir et ont l'impression d'être entendues, notamment par la magistrate en charge de cette unité.

"Je retiens le côté humain de Sabine Khéris qui prend le temps d'informer et d'écouter les familles".

Ferrouze Bendouiou, la sœur de Charazed, disparue en 1987, se dit soulagée de savoir que le pôle s'occupe d'enquêter à la place des familles qui, faute d'avancée dans leurs affaires, faisaient leurs propres investigations. "C'est la première fois que je ressens que c'est pris en main", et ajoute qu'elle a été plus régulièrement en contact avec Sabine Khéris en une année que depuis la disparition de sa sœur, il y a 35 ans.

"Le pôle sert à escalader une montagne dont on ne connaît pas la hauteur"

Un an après la création du pôle, 222 dossiers ont été examinés, donnant lieu à 67 informations judiciaires, pour trois cabinets d’instruction. Mais ce n'est rien face aux nombres d'affaires judiciaires encore jamais élucidées.

"On n'est pas capable de nous donner un chiffre précis du nombre de disparitions. On nous parle d'une centaine, mais nous pensons qu'il y a plusieurs milliers de meurtres non élucidés", confie Me Didier Seban, appuyé par les propos du père de la petite Estelle:

"Le pôle sert à escalader une montagne dont on ne connaît pas la hauteur".

Afin d'améliorer le travail du pôle judiciaire de Nanterre, Sabine Khéris a tenu à faire part aux associations des familles des victimes des difficultés qu'elle rencontrait. "Le pôle fonctionne au milieu d'un système défaillant", admet Eric Mouzin. Ils ont notamment profité de cet anniversaire pour soulever les problèmes qu'ils rencontrent.

Tout d'abord, ils regrettent que les gendarmes et policiers qui assurent la liaison entre les magistrats du pôle et les services d'enquête ne soient pas encore nommés, un an après la création du pôle. Aussi, les familles regrettent que les scellés des dossiers repris par Nanterre ne leur soient pas encore transmis en raison de retard lié à des travaux dans la salle destinée à la stocker.

"Les familles n'en peuvent plus d'attendre, ce n'est plus entendable", se désole Marie-Rose, la mère de Christelle Blétry tuée par Pascal Jardin.

Des propositions pour faire évoluer le pôle

Bien décidées à faire évoluer le pôle, les familles ont dressé une liste de choses à mettre en place et compte défendre leurs idées lors du projet de loi sur l'amélioration de la justice qui sera débattu au Parlement au cours du mois de mai ou juin prochain.

Leurs demandes seront formulées en quatre propositions. Tout d'abord, elles souhaitent que la destruction des scellés soit interdite dans les crimes non élucidés, afin de permettre au pôle de pouvoir récolter les traces ADN jamais répertoriées dans le fichier FNAEG. Ensuite, la facilitation du processus de transfert des dossiers vers le pôle de Nanterre qui est aujourd'hui problématique notamment face aux juridictions de Reims et de Chalon-sur-Saône qui compliquent ce processus.

"Ils n'informent pas, l'association Christelle se bat avec eux pour transférer des dossiers vers Nanterre, mais le tribunal est aux abonnés absents", explique Didier Seban.

Les familles demandent également une meilleure coordination entre les gendarmes et les policiers qui utilisent des outils différents et donc empêchent une bonne coopération. Elles veulent aussi que plus d'enquêteurs soient mobilisés sur les affaires criminelles qui sont souvent abandonnées face aux urgences qui arrivent. Enfin, ils souhaitent que les disparitions d'enfants, et plus largement les meurtres non résolus, soient enregistrés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

L'objectif du pôle de Nanterre est de s'agrandir et de faire évoluer sa palette d'outils pour résoudre ces affaires. Les familles des victimes, elles, continuent de s'impliquer au maximum pour que ce pôle fonctionne. "On fait ça pour vous aussi, demain, vous pouvez être à notre place", conclut Ferrouze Bendouiou.

Alix Mancel