"Fabienne Kabou, l'infanticide de Berck": le nouvel épisode du podcast de Faites entrer l'accusé
Ce 20 novembre 2013, il est 8h00. La température avoisine doucement les 6 degrés sur la plage de Berck, dans le Pas-de-Calais. La mer est basse, et les pêcheurs de crevettes en profitent pour pousser leur filet. Ils remontent sur le sable, et des collègues leur font signe de venir. Ce qu’ils découvrent leur glace le sang: une enfant sans vie est retrouvée sur la plage. Retournée sur le dos, un hématome à l'œil et son visage est recouvert de sable. Mais question: où se trouvent ses parents?
Le corps de cette fillette est amené à l’hôpital de Boulogne-sur-Mer. Lors de l’autopsie, le médecin légiste ne relève pas de traces de violences. Elle est décédée à la suite d'une noyade. Âgée entre douze et dix-huit mois, les policiers disposent de maigres informations sur l’identité de cette enfant. Aucun accident de bateau ou de disparition d’enfant n'a été signalé dans la région. Son corps n’a séjourné que quelques heures dans l’eau, elle était vivante avant d’être jetée à l’eau.
L'affaire prend une ampleur nationale
Les policiers arpentent les rues pour trouver des indices. Ils retrouvent une poussette cachée derrière une haie. Mais rien de plus. Alors, les investigations se poursuivent. Puis, un appel retentit au commissariat de Berck. Le gérant d’un hôtel se rappelle de la présence, la veille au soir, d’une femme avec une poussette et un petit garçon. Sans réservation, ni bagage, cette femme demande une chambre pour la nuit.
Il se souvient aussi qu’elle est sortie vers 21h00 avec son bébé sous le bras. Lorsque cette mère passe au règlement, l'hôtelier s'aperçoit que ni l’enfant ni la poussette ne sont là. Malgré les nouveaux éléments apportés par cet homme, l’enfant retrouvée sur la plage est une fille et non un garçon.
Quand les policiers fouillent sa chambre, ils découvrent un indice laissé par cette mystérieuse voyageuse. Dans la poubelle, le vestige d’un repas de fast-food pris dans une chaîne de restaurants. Ce repas ne peut être acheté qu’à la gare du Nord à Paris.
Le champ de recherche est alors élargi. Ils décident de visionner les caméras de surveillance pour tenter de trouver cette femme à la peau noire, aux cheveux tirés et âgée d’une trentaine d’année. Le travail paye. Les images montrent bien son entrée en gare du Nord avec une poussette. Ils font une capture d’écran, et la montre au gérant de l’hôtel. Il est formel, c’est bien sa cliente.
Rapidement, l’affaire prend un tournant national, et un appel à témoins est lancé. Le 28 novembre 2013, le procureur de la République ouvre une information judiciaire pour meurtre sur mineurs de moins de 15 ans.
Un coup de massue s'abat sur ce père
L’étau se resserre autour de la région parisienne. Puis, les enquêteurs identifient cette femme, elle s’appelle Fabienne Kabou. Domiciliée chez Michel Lafon à Saint-Mandé, les policiers de Nanterre décident d’avoir un premier contact au téléphone avec cette mère.
Au bout du fil, c'est le sculpteur de 67 ans qui répond. Il explique que sa compagne a remis leur fille à sa mère qui vit au Sénégal. Une demi-heure plus tard, ils débarquent à leur domicile. Fabienne Kabou leur ouvre la porte. Cette femme maintient avoir remis son enfant à sa mère. Lorsqu’ils lui demandent comment elle était habillée. Elle décrit les mêmes vêtements portés par la petite fille morte retrouvée sur la plage.
Son compagnon et elles sont conduits à la police judiciaire de Nanterre. Lors de la garde à vue, Fabienne Kabou se montre courtoise et parle avec tendresse de sa fille. Cette femme raconte que le séjour de sa fille au Sénégal est prévu depuis sa naissance. Elle rapporte ne plus pouvoir assumer la charge de ce bébé. Sauf que cette version ne convainc pas les enquêteurs. Puis, la suspecte donne une autre version.
Cette mère explique sans émotion apparente, avoir laissé sa fille au bord de l’eau, puis est partie sans se retourner. Pour quelle raison avoir commis un tel acte? La réponse est confuse. Quant à Michel Lafon, il est interrogé en simple témoin. L’homme semble ne rien savoir. Aucune charge n’est retenue contre lui, et ressort libre.
Le 30 novembre 2013, les nouvelles des aveux de Fabienne Kabou se répandent comme une traînée de poudre. Mise en examen pour assassinat, elle part en détention provisoire à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin.
Une vie basée sur le mensonge
Née à Dakar en 1977, Fabienne Kabou est issue d’un milieu intellectuel aisé. A l’âge de 18 ans, cette jeune femme arrive à Paris. Elle enchaîne les petits boulots, et se lance dans des études de philosophie. Ses proches la décrivent comme sympathique, aimante et maternelle avec les enfants.
Lors d’un vernissage à Paris, elle rencontre Michel Lafon. Cet homme a longtemps vécu en Afrique. Retraité, il consacre son temps à la peinture et à la sculpture. Malgré les trente ans d’écart, le coup de cœur s’opère entre eux. Fabienne Kabou s’installe à son atelier pour se consacrer à ses études. Les tourtereaux vivent une relation cachée. Leurs proches ne sont pas au courant de leur idylle.
Après dix ans de relation, cette femme subit deux avortements, mais tombe enceinte une troisième fois. Cette fois-ci, elle décide de garder l’enfant. Personne n’est au courant de sa grossesse et ne donne plus de nouvelles à ses proches. Leur fille Adélaïde, surnommée “Ada” naît le 9 août 2012.
Quand les policiers fouillent dans la vie de Fabienne Kabou, ils ne trouvent aucune trace de ses études de philosophie. Sa vie repose sur un mensonge, elle vit dans un monde parallèle.
Condamnée à 15 ans de prison
Cette femme assure ainsi être la victime d’un sort vaudou. C’est la seule explication plausible qu’elle avance pour expliquer son acte. Cette dernière dit entendre les murs gronder, ou encore la musique se mettre en route toute seule. Le juge diligente une première expertise psychiatrique. Le diagnostic tombe: elle n’est pas atteinte d’une pathologie ni d’une maladie mentale, mais c'est un crime culturel commis sous l’emprise d'un sorcier.
Une contre-expertise est demandée. Le 27 mai 2014, trois experts vont l’examiner à la prison de Lille-Sequedin. Quatre mois plus tard, ils se réunissent pour s’accorder sur le résultat. Selon eux, Fabienne Kabou souffre d’une maladie psychotique et psychose paranoïaque. Finalement, les experts tranchent pour une altération du discernement plutôt qu'une abolition complète. Ce résultat n’empêche pas cette femme d’être jugée par un tribunal.
Trois ans après son crime, elle est renvoyée devant les assises pour assassinat sur mineurs de moins de 15 ans. Le 20 juin 2016 s’ouvre son procès à Saint-Omer. Elle est condamnée à 20 ans de réclusion criminelle. L’accusée fait appel de la décision. Un an plus tard, sa peine est réduite à 15 ans de prison. La justice a retenu la maladie mentale comme circonstance atténuante.
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