“Patrick Salameh, le Jack l’Eventreur de Marseille”: le nouvel épisode du podcast de Faites entrer l’accusé

Gare de Marseille Saint-Charles (image d'illustration) - Fred Romero
C’est une affaire qui a fait frémir toute la ville de Marseille. Le 7 mai 2008, Fatima, 20 ans, a rendez-vous à la station de métro Malpassé, après avoir été contactée pour une offre de baby-sitting. S’inquiétant de ne pas avoir de nouvelles, sa mère prévient la police de sa disparition. La brigade criminelle se penche sur cette affaire et, faute d'indices, se met à interroger toutes les personnes susceptibles de l’avoir vue. En vain.
Huit jours plus tard, une femme qui fait la manche à la gare Saint-Charles appelle la police pour leur donner une information qui va s’avérer capitale:
"Elle nous dit que début mai, un monsieur est venu la voir et lui a dit qu’il lui donnerait de l’argent si elle passe des coups de fil pour lui depuis une cabine téléphonique", explique le commandant Stéphane Gomez de la brigade criminelle de Marseille.
Elle affirme que l'individu lui a expliqué vouloir faire une surprise à sa femme et avoir besoin de trouver une baby-sitter en urgence. Il lui donne une liste de numéros à contacter et lui demande de leur donner rendez-vous à la station de métro Malpassé. Pour les enquêteurs, ce témoignage est crucial.
Les disparitions s’enchaînent
Pendant cinq mois, l’enquête va stagner. Aucune piste ne permet de retrouver la trace de Fatima. Mais le 5 octobre 2008, une prostituée se rend au commissariat, car elle s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles de son amie Irina, une prostituée d’origine ukrainienne. Et le 27 octobre 2008, une deuxième prostituée disparaît. Il s’agit de Christina, une jeune roumaine de 23 ans. Puis, le 7 novembre de la même année, c’est au tour de Zineb, une prostituée algérienne de 28 ans, de ne plus donner signe de vie. La jeune femme avait rendez-vous avec un client et n’est jamais revenue.
Le lendemain, le 8 novembre 2008, la gérante d’un café qui accueille des prostituées prévient la police, car Soumia, une jeune prostituée marocaine, a vécu une scène d'horreur. Son récit va glacer le sang des policiers. Fin septembre, un homme l’aurait fait monter dans une Clio blanche et l’aurait emmenée dans un appartement. Dans le logement, l’homme montre un nouveau visage et devient violent.
"Il l'insulte, l’attache, la frappe", raconte Valérie Floterer, brigadier-chef de la brigade criminelle de Marseille.
Elle affirme que l’homme l'a ensuite violée et traînée jusqu’à la salle de bain où elle aurait découvert le corps d’une jeune femme dans la baignoire.
Pour réussir à se sortir de ses griffes, la jeune femme adopte une attitude rassurante et le cajole. "C’est grâce à ça qu’elle va rester en vie", explique Céline Plumail, commissaire de la brigade de répression du proxénétisme. À la suite de son récit, Soumia décide de porter plainte.
Un homme déjà connu des services de police
Le 12 novembre, un portrait-robot est diffusé, à partir des informations données par Soumia. Un témoin interrogé par les forces de l'ordre va tomber sur l’homme en question et se lance à sa poursuite. Alerté par les cris, un motard de la police appelle du renfort et réussit à neutraliser l’individu. Les policiers le reconnaissent: il s’agit de Patrick Salameh, qui sort tout juste de prison après avoir purgé une peine de seize ans pour home-jacking. Il est immédiatement placé en garde à vue.
En réalisant une perquisition à son domicile, les enquêteurs reconnaissent la description du lieu faite par Soumia. Ils décident d’aller la chercher pour qu’elle confirme.
“Là, elle est prise d’un malaise, elle a du mal à respirer. Elle reconnaît le portillon et s’arrête devant la porte de l’appartement”, rapporte le commandant Céline Plumail.
Le 13 novembre, Patrick Salameh est interrogé, mais nie les faits qui lui sont reprochés.
Bijou, empreintes ADN... Des preuves accablantes
Les policiers interrogent les voisins. Ces derniers évoquent des cris de femmes et racontent l'avoir vu déménager des matelas dans la nuit. Les enquêteurs présentent ensuite différentes personnes à Soumia dans le cadre d’une identification. En pénétrant dans la pièce, la jeune femme est prise d’un malaise.
"On avait vraiment l’impression qu’elle avait croisé le diable", affirme le commandant Céline Plumail.
Après avoir repris ses esprits, Soumia n’hésite pas une seconde et désigne Patrick Salameh comme l’auteur de son agression.
Des analyses sont réalisées au domicile du suspect et des empreintes ADN correspondantes à Zineb sont retrouvées. Un bijou reconnu comme appartenant à Irina va également être récupéré chez lui. Pour les enquêteurs, il n’y a plus de doute possible. Le 14 novembre 2008, l’homme est mis en examen pour “séquestration suivie de mort” sur Irina et Zineb, et pour “séquestration et viol” sur Soumia.
Trois mois plus tard, une trace de sang appartenant à Christina est retrouvée au domicile de Patrick Salameh. Pour se justifier, l’homme raconte qu’il a bien eu un rapport sexuel avec la jeune femme, mais que celle-ci avait ses règles. Mais les policiers ne croient pas en sa version et il est mis en examen pour le meurtre de Christina. Le 6 mai 2011, il est également mis en examen pour "enlèvement suivi de mort" pour Fatima, même si aucun corps n’a été retrouvé.

Trois procès pour quatre femmes disparues
Son premier procès pour le dossier des prostituées s’ouvre le 17 mars 2017 devant les assises d’Aix-en-Provence. Patrick Salameh est reconnu coupable de séquestration et d’enlèvement suivi de mort. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans.

Un an plus tard, il comparaît au même endroit pour l’enlèvement suivi de mort de Fatima et est condamné à la même peine. Mais l’accusé décide de faire appel de ses deux condamnations.
Son procès en appel s’ouvre le 18 avril 2016, devant la cour d’assises du Var, chargée de juger son implication dans les deux dossiers. À l’issue de l’audience, sa peine est confirmée. Patrick Salameh et ses avocats décident de faire une demande de pourvoi en cassation qui sera finalement rejetée en juillet 2017.