Disparition de Malik Boutvillain: le dossier menacé par un non-lieu, sa sœur se mobilise

Malik Boutvillain a disparu le 6 mai 2012 en Isère près de Grenoble. - DR
Si Dalila Boutvillain travaille dans le milieu hospitalier, elle dit être devenue une "experte en droit" depuis la disparition de son frère Malik, le 6 mai 2012. Elle lutte sans relâche depuis plus de 10 ans pour que les recherches se poursuivent. Mais sans aucune trace du disparu, le dossier se retrouve à présent menacé par la perspective d'un non-lieu.
"Une nouvelle juge d'instruction est arrivée en 2021, mais elle n'a même pas jeté un œil au dossier de Malik. Elle a envoyé un courrier à mon avocat en disant qu'elle souhaitait faire prononcer un non-lieu", détaille Dalila Boutvillain auprès de RMC Crime ce vendredi.
"J'ai failli faire une crise cardiaque quand j'ai appris ça. L'ancienne juge nous avait promis que le dossier ne serait pas refermé", poursuit-elle.
Jamais revenu de son jogging
Le 6 mai 2012, Malik Boutvillain part en t-shirt, en short et en baskets pour son jogging matinal, à Echirolles (Isère). En ce jour d'élection présidentielle, il a pris soin de laisser sa carte d'identité et son portefeuille sur la table de chez sa mère, avec qui il a prévu de déjeuner le midi.
Mais à l'heure convenue, le trentenaire n'est toujours pas de retour. "Ma mère m'a appelée pour me dire qu'il n'était pas venu manger. La journée passe, j'essaie de l'appeler, mais rien", raconte Dalila Boutvillain, sa sœur. "En fin de journée, on se dit qu'il y a un souci: il n'était même pas passé pour prendre sa douche après son footing, alors qu'il était très maniaque."
La mère et la fille se rendent à l'hôtel de police pour signaler la disparition de Malik, mais on leur rétorque de revenir dans 48 heures, puisqu'il est majeur. En attendant, elles partent à sa recherche, accompagnées de leurs proches. "On a cherché dans les bois, on criait son nom avec des amis. Je pensais qu’il était tombé, qu’il s’était fait mal. Je ne pensais pas du tout à la piste criminelle."
Les parties civiles dénoncent une enquête bâclée
Trois jours plus tard, une enquête est finalement ouverte, un appel à témoins diffusé. Rien de plus: pas d'enquête de voisinage, pas de déplacement sur les lieux, ni d'exploitation des images de vidéosurveillance.
"Des personnes ont appelé pour dire qu'elles avaient vu Malik ici ou là. J’ai dû y aller moi-même pour vérifier leurs témoignages. L'enquête a été bâclée", estime Dalila Boutvillain.
Rien ne se passe jusqu'en 2017, lorsque les affaires liées à Nordahl Lelandais émergent en Isère. On commence à étudier la piste du tueur dans le dossier de Malik Boutvillain. "Le procureur nous a reçus, ça a été médiatisé. Il s’est excusé publiquement par rapport au fait que rien n’ait été fait à l’époque."
"On ne cherche pas mon frère"
L'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) enquête de son côté et, selon la sœur du disparu, aboutit à plusieurs pistes concrètes. C'est la piste criminelle qui est privilégiée. Mais le changement de juge d'instruction, en 2021, vient tout bousculer: "La nouvelle juge a quand même voulu clôturer le dossier, elle n’a même pas regardé le travail de l’OCRVP", dénonce Dalila Boutvillain.
Lundi dernier, alors qu'aucun acte d'enquête n'a été réalisé depuis 2020, l'avocat des parties civiles Me Bernard Boulloud a décidé de s'adresser à la chambre de l'instruction pour demander le désaisissement du dossier, espérant le voir repris par la section de recherches de Grenoble, dont les enquêteurs ont l'habitude de traiter des cold cases. Le lendemain, la juge d'instruction réplique en notifiant un non-lieu pour l'affaire.
"Je suis fatiguée, je me bats contre de la paperasse et on ne cherche pas mon frère", lance Dalila, qui se bat depuis 10 ans maintenant.
L'espoir de l'affaire Bonfanti
Si le famille du disparu cherche à tout prix à maintenir le dossier ouvert, c'est que la prescription menace également l'espoir de voir un procès se tenir un jour, et ce même si une personne finit par être identifiée comme responsable de la disparition du trentenaire. "Si, dans dix ou quinze ans, quelqu'un est finalement arrêté, il pourra bénéficier de la prescription, et ce sera fini. Dans ce cas, inutile de poursuivre les enquêtes", s'indigne l'avocat des parties civiles, Me Bernard Boulloud, auprès de RMC Crime.
Tout récemment, un nouvel espoir est né pour la famille de Malik Boutvillain comme pour d'autres proches de personnes disparues: la cour d'appel de Grenoble a décidé de rejeter la prescription dans le dossier du meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti en 1986. Si la Cour de Cassation confirme ce rejet, l'affaire ferait ainsi jurisprudence.
"L'affaire Bonfanti est emblématique. Elle pourrait permettre de rouvrir d'autres cold cases en sommeil. Et il y en a beaucoup", poursuit Bernard Boulloud.
Pour Dalila Boutvillainaussi, "il ne faut plus de non-lieu dans ces affaires-là". "Je veux que des enquêteurs dévoués se penchent sur le dossier de Malik. S’ils trouvent tant mieux, s’ils ne trouvent pas tant pis, mais qu’ils fassent des recherches. Le disparu n’est pas tout seul, c’est le fils, la fille, le frère de quelqu’un."
10 ans après, elle dit faire tout cela "pour Malik, mais aussi pour les autres familles qui risquent aussi d’être rejetées par ce système".