Écoutes téléphoniques: comment la police surveille-t-elle les appels lors d'une enquête?

Une personne tenant un téléphone (photo d'illustration) - Pixabay
La technique est fréquemment utilisée par la police, mais elle doit respecter certaines règles. Des écoutes téléphoniques peuvent être mises en place dans deux cas: soit dans une enquête préliminaire sous la direction du procureur de la République, soit lors d'une information judiciaire, cette fois-ci, sous la direction du juge d'instruction.
Lui peut demander de mettre en place cette mesure pour un délit, si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement. De son côté, le procureur a des marges de manoeuvre plus limitées.
"Il ne peut le faire qu'en matière de criminalité et il a une durée limitée à deux mois, là où le juge d'instruction peut le faire sur une période de quatre mois renouvelable", explique Pauline Bonnecarrère, vice-présidente du tribunal judiciaire de Paris, pour RMC Crime.
Suspects, proches, victimes...
Pour décider de mettre quelqu'un sur écoute, il faut que les enquêteurs aient suffisamment d'éléments qui laissent penser que la personne peut être impliquée dans une affaire judiciaire. Les proches d'un suspect peuvent également être placés sur écoute dans le but de recueillir des informations nécéssaires à la résolution de l'enquête.
"Ce qui peut arriver parfois, c'est de mettre les victimes sur écoute pour voir si elle évoque la personne qu'elle soupçonne", ajouter la vice-présidente du tribunal judiciaire de Paris.
Placer une personne sur écoute reste une technique plutôt simple. "A partir du moment où on dispose d'une information sur la personne visée, il est possible de récupérer son numéro en le demandant auprès de l'opérateur", qui fournit ensuite les informations à la police, explique Pauline Bonnecarrère.
"Ils en ont l'obligation et on les paye pour leur collaboration."
"Un boulot assez ingrat" pour les enquêteurs
Un enquêteur est ensuite missionné pour écouter toutes les conversations enregistrées. "C'est un boulot assez ingrat, mais les agents ont l'habitude et savent assez vite passer sur ce qui n'est pas intéressant. Après, c'est sûr que c'est quand même hyper chronophage", confie-t-elle.
Certains ont d'ailleurs développé des langages codés pour espérer passer entre les mailles du filet de la police, notamment dans les trafics de stupéfiants. "Mais ça reste très grossier, c'est Hélène pour héroïne, Caroline pour cocaïne… Certains ont dû en développer des plus poussés, mais on n'a donc pas pu les décoder", confie la magistrate.
L'analyse de ces enregistrements téléphoniques demande parfois la mise en place de moyens supplémentaires, notamment dans le cas où les personnes écoutées ne parlent pas français.
"On a des centaines d'interprètes qui écoutent toute la journée donc c'est un gros déploiement financier et humain de mettre en place ces techniques".
Des preuves qui font parfois basculer une affaire
Sur les affaires criminelles, cette technique est quasiment systématique. "Même si on peut considérer que c'est un mode de preuve qui décline parce qu'il est trop connu et qu'il y a des moyens de le contourner, ça pourrait être reproché à un magistrat si ça n'avait pas été fait lors d'une instruction", confie la magistrate.
Car ces enregistrements peuvent être un élan important lors du procès, en étant utilisés comme preuve incriminante. "C'est un mode de preuve qui a souvent permis de débloquer des situations et de confirmer des pistes", avoue Pauline Bonnecarrère.
Les écoutes ont ainsi joué un rôle lors du procès de Nordahl Lelandais, en février 2022. Une conversation entre lui et son ex-compagne, durant son placement, en détention provisoire, avait été diffusé. Sa petite-amie lui demandait alors ce qu'il faisait au mariage où se trouvait la petite Maëlys au moment de sa disparition.
Ce à quoi l'homme lui avait répondu: "Tu sais, on s'était pris la tête, pendant la soirée je t'ai envoyé un message, si tu m'avais répondu, je serais passé te voir, ça aurait tout changé."
Après la diffusion de cet enregistrement, la présidente lui avait demandé ce qui aurait "changé". La réponse de Nordahl Lelandais aavait alors laissé la salle d'audience sans voix. "Si elle avait répondu au SMS, je serais parti du mariage, et la petite serait toujours en vie", avait-il lâché.