Prisons françaises: la maison d'arrêt de la Santé, "pied-à-terre de tous les grands procès"

La Prison de la Santé - Thomas Samson - AFP
Par sa taille comme par son histoire, elle fascine et suscite bon nombre de fantasmes. Et c'est aussi parce qu'elle est la dernière à se tenir debout au beau milieu de Paris, dans le XIVe arrondissement, que la prison de la Santé est connue comme l'un des établissements pénitentiaires de France les plus emblématiques.
Alors que les Parisiens en ont connu une dizaine, toutes les autres prisons de la capitale ont fini par être détruites. "Il a longtemps été question de détruire aussi la Santé, mais il en fallait en garder une à Paris. Le tribunal se situant sur l'île de la Cité, il était pratique d'en avoir une à proximité, d'en faire le pied-à-terre de tous les grands procès."
Marie-Hélène Verneris, docteure en sciences de l'éducation à la Sorbonne, connaît bien cette maison d'arrêt pour y avoir animé bénévolement des ateliers d'écriture et de lecture pour les détenus pendant plusieurs années. Captivée par cet univers carcéral, elle s'est plongée dans les archives de l'établissement pendant plus d'un an. Elle en a tiré un ouvrage, La Santé, une prison emblématique entre mythe et réalité, publié l'an dernier aux éditions Amalthée.
Une maison d'arrêt moderne
Comme l'explique Marie-Hélène Verneris dans son ouvrage, la Santé bénéficie aujourd'hui de l'image d'un établissement moderne. Mais elle l'était déjà à l'époque de sa construction, précise-t-elle.
"En 1867, les détenus avaient l'eau courante, le chauffage et un système d'évacuation des toilettes... ce qui n'était pas le cas de la plupart des Parisiens!"
Devenue obsolète, la maison d'arrêt a été entièrement rénovée entre 2015 et 2019. Bâtiments détruits, réorganisation complète de la structure, conservation de symboles d'antan... Les Architectes des Bâtiments de France se sont attachés à moderniser les murs et optimiser le fonctionnement de la maison d'arrêt.
Les concepteurs des nouveaux plans avaient prévu une capacité d'accueil de 800 détenus en cellules individuelles. C'était sans compter sur les problèmes de surpopulation que la plupart des geôles françaises connaissent: six mois après la réouverture, ils étaient déjà 1000 à y être incarcérés. Selon les chiffres de l'Observatoire International des Prisons (OIP), le nombre de prisonniers était à peu près le même au 1er janvier dernier.
Prison des "VIP"?
Dans l'imaginaire collectif, la Santé est spécialisée dans l'accueil des détenus considérés comme des VIP. De Guillaume Apollinaire à Patrick Balkany en passant par Joey Starr, nombre de personnalités parisiennes ont défilé entre ces murs.
"L'administration pénitentiaire ne souhaite pas que l'on parle de 'quartier VIP' pour ne pas que l'on tombe dans des représentations faussées. Certains pensent que les cellules sont des chambres, que ces détenus ont des privilèges... Alors que les conditions sont les mêmes que dans les autres quartiers", assure Marie-Hélène Verneris.
La seule différence avec les autres prisonniers, explique-t-elle, "c'est qu'il s'agit de personnes pour la plupart extrêmement médiatisées", qui ont donc besoin d'être isolées pour leur sécurité. Leurs horaires de sortie sont donc aménagés pour qu'ils ne croisent pas le reste des détenus et ils sont constamment accompagnés de gardiens.
Le témoin d'événements historiques
Autre type de prisonniers dont l'incarcération doit être spécialement aménagée, les terroristes sont en général placés dans des cellules anti-évasion de la Santé, précise encore la docteure en sciences de l'éducation. En 2019, lors de la réouverture de la prison, des cellules hermétiques, complètement fermées ont accueilli douze premiers détenus terroristes. "Le personnel a été formé. C'est la première prison à avoir mis ça en place, elle est devenue un modèle à ce titre."
Les années passant, et par le statut de certains de ses détenus, la Santé a été le théâtre d'épisodes historiques. On retiendra notamment la spectaculaire évasion de Jacques Mesrine en 1978. Condamné à 20 ans de réclusion criminelle, il s'était promis, dès son incarcération, de s'évader de la maison d'arrêt. À l'aide d'un complice, il réussira à se munir d'armes et à échapper aux gardiens et s'enfuiera en passant par-dessus le mur d'enceinte avec une échelle.
Mais du temps qu'elle a passé au sein de la maison d'arrêt de la Santé, c'est surtout de l'offre d'activités culturelles et de l'enseignement proposé dont Marie-Hélène Verneris se souvient le plus vivement. "Ce n'est pas le cas partout. À la Santé, l'accent est mis sur la réinsertion. Les conditions d'incarcération y sont moins pénibles qu'ailleurs."