Faites entrer l'accusé: Alexandre Verdure et "l'inconnue de Frasnois"

Village du Frasnois, dans le Jura, où a été retrouvé le corps de Mihaela Miloiu (image d'illustration) - Google Street View
Il continue de clamer son innocence dans l'affaire du meurtre d'une jeune prostituée roumaine de 18 ans, dont le corps a été retrouvé dans une forêt jurassienne. Ce dimanche, Faites entrer l'accusé vous fait découvrir un épisode inédit appelé "l'affaire Alexandre Verdure et l'inconnue de Frasnois".
Le 15 décembre 2016, dans Le Frasnois (Jura), un bûcheron coupe du bois dans la forêt quand il tombe sur un amas de feuilles qui attire son attention. En se rapprochant, c'est avec stupeur qu'il découvre le corps d'une femme rousse, entièrement nu. Il prévient alors immédiatement la gendarmerie, qui a du mal à accéder à l'endroit indiqué.
"On se rend bien compte que depuis la route, on ne peut rien voir. Que manifestement le corps a été placé là pour qu'on ne puisse pas le trouver aussi facilement", explique le major Dominique Hennequin de la brigade de Besançon.
Les agents remarquent que son visage est "massacré", que ses dents sont déchaussées, et qu'elle est complètement méconnaissable. "On n'est pas en mesure de pouvoir l'identifier", ajoute le major.
La piste de Narumi Kurosaki étudiée
Une enquête est ouverte et les gendarmes relèvent les premiers indices. Ils remarquent tout de suite qu'il n'y a pas de sang sur place et en déduisent donc que le corps a été déplacé. Les agents notent aussi 26 petites plaies au niveau de l'abdomen et du cou.
Sans identité, les enquêteurs de Besançon tentent de le rapprocher à une affaire. Et c'est vers Narumi Kurosaki qu'ils vont se diriger puisque dans ce dossier, ils ont un nom, mais pas de corps. Ils se disent qu'ils ont peut-être retrouvé la jeune femme qui avait disparu quelques jours plus tôt.
"Des prélèvements ADN sont faits sur le corps non identifié et on dispose de l'ADN de Narumi Kurosaki et rapidement, il est démontré qu'il ne s'agit absolument pas de cette jeune Japonaise disparue", explique Etienne Manteaux, procureur de la République de Besançon.
Les gendarmes diffusent alors un appel à témoins et celui-ci va porter ses fruits. Rapidement, plus de 130 témoignages sont recueillis. Et le tri va être facile à faire pour les enquêteurs, puisqu'ils disposent de l'ADN du meurtrier. À chaque fois qu'ils interrogent un suspect potentiel, ils comparent son empreinte génétique avec celui retrouvé sur le corps de la victime. Mais pendant de longs mois, cela ne donnera rien.
Une collaboration franco-suisse réussie
Jusqu'au jour où le major Hennequin va boire un café avec un policier suisse, en juin 2017. Au détour d'une conversation, il lui demande s'il n'a pas une disparition inquiétante dans ses dossiers qui pourrait correspondre à la jeune fille. En réponse, le policier lui dit qu'il va regarder de manière plus poussée s'il n'a rien de son côté. C'est là qu'il fait le rapprochement avec la disparition d'une jeune prostituée roumaine.
"On est en réalité sans nouvelle de cette jeune femme depuis six mois", explique Christian Buffat, le procureur du canton de Vaud, en Suisse.
La jeune femme s'appelle Mihaela Miloiu, elle a 18 ans. Sa carte d'identité avait été retrouvée par une promeneuse suisse au milieu des champs. Aux policiers, elle a indiqué qu'elle l'avait récupérée à côté d'une flaque de sang. Et en analysant les lieux, les policiers suisses retrouvent une empreinte génétique qu'ils transmettent aux gendarmes de Besançon sous la forme d'une suite de chiffres.
"Première case, même numéro, tout correspond. Deuxième case, tout correspond. Troisième case, pareil", se souvient le major Frédéric Vouge, de la brigade de Lons-le-Saunier. "À ce moment-là, j'ai dû ressentir ce qu'un joueur de loto ressent en voyant les boules avec ses numéros qui sortent à la télévision".
Des éléments accablants
Désormais, les enquêteurs ont une identité, ils peuvent donc avancer pour comprendre ce qu'il s'est passé. Sa téléphonie permet de connaître la date de sa mort puisque son téléphone va cesser d'émettre dans la nuit du 29 au 30 novembre 2016.
Ils savent aussi que le meurtrier s'est coupé avec l'arme qui a servi à tuer la jeune fille parce qu'ils ont récupéré son sang sur le corps de la victime. Ils décident donc d'appeler tous les hôpitaux de Suisse et du Jura pour voir si quelqu'un s'est présenté avec une plaie cette nuit-là. Et c'est le cas, un homme est arrivé aux urgences sur les coups de six heures du matin avec une plaie à la main qui a nécessité des points de suture.
L'homme s'appelle Alexandre Verdure, un père de famille de 30 ans. Il a expliqué qu'il avait percuté un animal sur la route et qu'il s'était blessé en voulant l'achever avec un couteau. Ce gendarme réserviste et sans casier judiciaire travaille en Suisse en tant qu'agent de sécurité. Les enquêteurs remarquent aussi que son téléphone était coupé la nuit du meurtre de la jeune fille. De son côté, sa femme permet de confirmer qu'il n'était pas chez lui puisqu'elle l'appelle 17 fois entre 1 heure et 4 heures du matin.
Alexandre Verdure est donc interpellé et placé en garde à vue. Son ADN est prélevé et matche avec celui retrouvé sur la victime. Pourtant, mis face à cet élément clé de l'enquête, l'homme nie et répète qu'il ne sait rien. Sa femme ajoute un détail troublant, puisqu'elle confie aux gendarmes que cette nuit-là, il était rentré couvert de sang.
Une version qui ne tient pas
Il est finalement mis en examen pour meurtre. Et c'est lors d'un parloir avec ses parents, pendant sa détention provisoire, qu'il change totalement de version et explique qu'il serait tombé sur la jeune femme le long d'une route en train de se faire agresser. Après lui avoir porté secours, il dit avoir eu un rapport sexuel avec elle.
Alexandre Verdure poursuit son récit et explique qu'une voiture serait ensuite arrivée vers eux. Deux hommes armés en seraient sortis et auraient tué la jeune femme. Ils l'auraient ensuite menacé de tuer sa famille s'il ne se débarrassait pas du corps. C'est comme ça qu'il serait allé le déposer dans la forêt. Mais cette version ne convainc pas les enquêteurs et les magistrats.
En examinant le père de famille, des experts psychiatres vont noter une personnalité psychopathique et mégalomaniaque, ainsi qu'une dangerosité criminelle extrême, notamment s'il se sent humilié ou mis en échec.
Son procès s'ouvre le 9 décembre 2020 devant les assises du Doubs. Même s'il reste campé sur ses positions, il est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il décide de faire appel, mais cette fois-ci, il écope d'une peine encore plus lourde: 30 ans. Quelques mois plus tard, son pourvoi en cassation a été rejeté.
Retrouvez l'épisode de Faites entrer l'accusé consacré à l'affaire Alexandre Verdure ce dimanche sur RMC Story, puis en replay sur notre plateforme RMC BFM Play.