Procès de Monique Olivier: les dernières zones d'ombre de son parcours criminel avec Michel Fourniret

Monique Olivier et Michel Fourniret, en 2008 à Charleville-Mézières (Ardennes). - FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
C'est l'heure d'une réponse judiciaire pour les familles d'Estelle Mouzin, de Joanna Parrish et de Marie-Angèle Domèce. Mardi doit s'ouvrir au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) le procès de Monique Olivier, ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret, soupçonnée d'avoir joué un rôle actif dans ces trois dossiers.
Comme lors des deux précédents procès du couple, en 2008 et 2018, le tribunal va cependant se heurter aux zones d'ombre qui demeurent dans le parcours criminel de Monique Olivier et de Michel Fourniret.
Malgré les éléments recueillis lors de la phase d'instruction, certains mystères perdurent, liés d'une part aux aveux tardifs du tueur en série, à sa perte de mémoire puis à son décès en 2021, mais aussi au mutisme dans lequel s'est souvent retranchée son ex-épouse. "Elle a fait un pas, mais elle n'a pas fait tout le chemin", commentait lors d'une conférence de presse organisée début octobre Me Didier Seban, avocat des parties civiles.
"C'est peut-être la dernière fois qu'on la verra aux assises, c'est là qu'il faut obtenir quelque chose d'elle", affirmait à cette même occasion Eric Mouzin, le père de la petite Estelle, disparue en 2003.
À quelques jours de l'ouverture du procès, RMC Crime fait le point sur les dernières questions qui restent en suspens concernant le parcours criminel du couple.
- Le mystère de la baby-sitter disparue
Parmi les crimes imputés à Michel Fourniret figure celui d'une baby-sitter mentionnée par Monique Olivier lors de divers interrogatoires et dont l'existence a été confirmée par le voisinnage du couple. Originalité de ce dossier: l'identité de cette jeune fille n'a cependant jamais pu être clairement établie par les enquêteurs.
Embauchée pour s'occuper de leur fils Sélim, alors âgé de 5 ans, cette dernière a disparu à Sart-Custinne en 1993, quelques mois après avoir été engagée. Selon un article paru dans les colonnes de Libération en 2004, des témoins ont rapporté que cette jeune fille blonde avait rencontré un garçon de son âge lors d'une fête organisée au village. Leur relation n'aurait pas plu à Michel Fourniret, qui l'aurait enfermée après cet incident. "On ne l'a plus jamais revue", déclaraient alors des voisins du couple.
Après les révélations de Monique Olivier à propos de cette jeune fille, Michel Fourniret a fait l'objet de poursuites pour "homicide volontaire" en Belgique, en 2004. Un dessin réalisé par le tueur en série lui-même a semé le trouble il y a quelques années: malgré son intitulé - "Autoportrait" - la silhouette représentée ne ressemble pas à Michel Fourniret. Certains estiment qu'il pourrait en réalité s'agir de la fameuse baby-sitter.
Qui est-elle? Où a-t-elle pu être enterrée? Des questionnements qui restent encore aujourd'hui sans réponse et que Me Didier Seban a annoncé vouloir relancer à l'occasion du procès de Monique Olivier.
- La disparition de Lydie Logé
Autre crime que l'Ogre des Ardennes aurait à demi avoué: celui de Lydie Logé, une jeune femme de 29 ans disparue en 1993 à Saint-Christophe-le-Jajolet, dans l'Orne, et dont le corps n'a jamais été retrouvé. Toutes les pistes explorées dans l'enquête qui s'ensuit alors font chou blanc.
En 2016, néanmoins, des analyses menées par l'Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) sur les scellés appartenant à Michel Fourniret relanceront l'enquête: parmi les empreintes retrouvées, l'une d'entre elles fait apparaître le même code génétique que celui de la mère de Lydie Logé.
"On peut raisonnablement penser que ce crime a été commis par le couple", estime Me Didier Seban, contacté par RMC Crime.
- Les "années blanches" du couples
Si l'implication de Michel Fourniret et de Monique Olivier dans la disparition de Lydie Logé vient à être un jour confirmée, elle redonnerait un nouvel élan aux investigations sur les "années blanches" du couple, durant lesquelles aucun crime connu ne leur est imputé, entre 1990 et 2000.
Alors que le duo criminel a commis huit meurtres entre 1987 et 1990 et trois autres crimes entre 2000 et 2003, les enquêteurs sont dubitatifs quant à la conduite relativement calme du meurtrier et de son ex-compagne durant cette "période blanche".
En-dehors du cas Lydie Logé, plusieurs affaires non élucidées ont été envisagées comme pouvant être les œuvres de Michel Fourniret. C'est le cas, entre autres, du meurtre de Marie-Michèle Calvez, retrouvée morte, brûlée dans sa voiture au Guilvinec (Finistère). Or, on sait que le couple Fourniret-Olivier s'est rendu en Bretagne à plusieurs reprises dans les années 1990 afin de rendre visite à la famille de Monique Olivier et de prendre ses quartiers dans leur maison de vacances, à Perros-Guirec (Côtes-d'Armor).
- Les corps d'Estelle Mouzin et de Marie-Angèle Domèce jamais retrouvés
Mais l'inconnue qui menace de peser réellement sur l'audience à venir, c'est l'absence de corps dans les dossiers Marie-Angèle Domèce et Estelle Mouzin. Disparues respectivement en juillet 1988 et en janvier 2009, la jeune femme de 19 ans et la fillette de 9 ans n'ont jamais pu être retrouvées, et ce malgré les aveux de Michel Fourniret et Monique Olivier.
Sur les indications du couple, de nouvelles fouilles ont été organisées à plusieurs reprises ces dernières années, mais elles n'ont pas été concluantes.
"Se poser la question [de l'emplacement du corps, ndlr], c'est déjà se faire du mal. Estelle a été jetée dans un trou il y a 20 ans. Bien sûr que si on le retrouvait, ce serait une manière de clore l'affaire. Mais il ne faut pas s'acharner", expliquait Eric Mouzin lors d'une conférence de presse organisée début octobre.
Et le père de la petite fille disparue à Guermantes d'ajouter: "Se suspendre à la parole de Monique Olivier, c'est se mettre dans une position de faiblesse. Et je n'ai pas envie de rentrer là-dedans."